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triomphante exécutée sous l’inspiration de la papauté. Le plafond de la Sixtine de Michel-Ange est une sorte d’histoire universelle qui renferme des pages sublimes, mais où domine le rude esprit de l’Ancien-Testament. Ici nous nous trouvons en présence d’une libre interprétation du christianisme dans un sens plus profond et plus large. C’est le rayonnement de l’âme du maître par sa seule beauté, c’est la transmission de sa pensée à travers l’élite jusqu’aux profondeurs de l’humanité que le peintre a voulu représenter. L’idée est grande, claire, philosophique ; mais, pour l’incorporer en groupes vivans, quelle flamme intérieure, quelle puissance plastique il fallut à l’artiste !

Avant de regarder la coupole, donnons un coup d’œil au jeune saint Jean qu’Allegri a peint dans la lunette au-dessus de la sacristie, dans cette même église. C’est une préface à la grande vision. « L’apôtre, sous la figure d’un beau jeune homme, est assis par terre, à demi couché, appuyé contre le mur. Il semble avoir sa première inspiration ; on dirait qu’il entend des voix. Un rouleau de papyrus est étalé sur ses genoux, et il paraît sur le point d’y inscrire quelque chose d’un style qu’il tient de sa main droite. L’immobilité, le calme profond, le ravissement de l’extase se peignent dans l’attitude et dans les traits du voyant. Une harmonie éthérée pénètre son corps, et les ondes d’une musique séraphique font frémir les boucles blondes et légères de sa chevelure, qui flotte sur ses épaules. Toute l’attention est attirée par la tête merveilleuse du jeune homme, tournée vers le spectateur, et qui regarde en haut par ses yeux grands ouverts, puissans et radieux, qui semblent absorber toute la lumière d’une vision éblouissante. Le ciel, l’infini est dans ce regard ardent. Pour lui, plus de mystère, il a tout pénétré. » Ce qui étonne dans cette peinture, c’est la puissance avec laquelle le Corrège sait peindre les yeux. Ce ne sont pas là les yeux d’un halluciné, mais ceux d’un voyant sublime pour lequel les idées éternelles revêtent l’enveloppe et la forme de la beauté et brillent comme des archanges de feu. Ces yeux font penser aux plus beaux passages de Platon, aussi bien qu’à certains versets du quatrième évangile. Comme pour rendre sa pensée plus sensible, le peintre a écrit sur le pourtour en demi-cercle de la lunette : Altius Dei patefecit arcana.

Arrivons à la composition principale. La coupole parfaitement ronde qui s’élève au-dessus du transept reçoit le jour d’en bas par quatre œils-de-bœuf disposés au-dessous et perpendiculairement aux pendentifs. « Au sommet de la voûte, la figure radieuse du Christ s’enlève sur un fond de lumière ambrée d’une couleur éclatante et chaude. Le peintre l’a représenté dans un raccourci étonnant, qui donne l’illusion d’une ascension vertigineuse. Ses cheveux