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VOYAGE EN SYRIE

IMPRESSIONS ET SOUVENIRS


I. — D’ALEXANDRIE A JAFFA.

Un voyage en Syrie est le complément naturel, indispensable de toute étude sérieuse sur l’Égypte. Il existe entre les deux pays des relations physiques, morales, politiques et historiques, telles qu’on ne peut bien se vanter de connaître l’un que si l’on connaît l’autre également. Voilà pourquoi, après avoir passé deux hivers au Caire, j’ai voulu me rendre à Jérusalem et à Damas. De toutes les contrées de l’Orient, la Syrie est du reste celle qui se rattache le plus intimement à la France par les souvenirs et par les intérêts. Il y a un siècle à peine que notre influence se fait sentir sur l’Égypte ; il faudrait remonter au moins à Charlemagne pour trouver l’origine de notre influence sur la Syrie. Les clés du saint-sépulcre, envoyées au grand empereur par Aroun-al-Raschid, ne nous ont pas seulement ouvert les portes du sanctuaire de la chrétienté, elles nous ont ouvert les portes de l’Orient ; c’est en partant de Jérusalem que nous avons pu gagner peu à peu toutes les régions orientales où notre nom est devenu synonyme d’Européen. J’aurais toujours pensé que, malgré nos malheurs, ce que nos ancêtres avaient semé dans ces pays privilégiés, où les moissons poussent avec une vigueur et une abondance extraordinaires, ne pouvait avoir péri entièrement. Le spectacle de l’Égypte m’avait prouvé déjà que je ne me trompais pas. Il me restait à savoir si celui de la Syrie confirmerait mes premières impressions. Je tenais d’autant plus à m’en assurer qu’à l’heure de l’ébranlement de la puissance ottomane, la France commettrait une véritable abdication si elle renonçait à jouer un rôle dans la crise qui se prépare et qui décidera de l’avenir commercial et politique du monde. Par une heureuse