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résultant d’autres lois, également, normales en elles-mêmes, qui compliquent les premières : il y a donc, dans la maladie autant de choses dignes de remarque, autant et même plus de matière à la science que dans un corps en santé. « Le parfait, ajoute Leibniz, c’est ce qui est plus régulier ; » — mais les monstruosités, elles aussi, ont leurs lois et rentrent dans les règles ; tout ce qui est est régulier, rationnel, intelligible ; c’est Leibniz même qui nous l’apprend ; tout est-il donc bon ? Au fait, si vous supprimez les sensations agréables ou pénibles des êtres vivans, une tempête est aussi intelligible que le calme, la destruction d’un monde que sa formation, la rupture d’un mécanisme quelconque que sa conservation, car, dans un cas comme dans l’autre, ce sont les mêmes lois qui agissent, la même nature, la même Pénélope qui fait ou défait la trame des choses : il n’y a de différence que dansée jeu des dessins changeans.

Si ce n’est pas l’intelligibilité qui est bonne, vous direz peut-être que c’est l’intelligence. Mais aurez-vous le droit de le dire si vous considérez à son tour l’intelligence en elle-même, sans rapport avec la volonté et avec la sensibilité ? — chose d’ailleurs impossible, car il n’y a pas d’intelligence : sans la sensation ni de sensation sans le plaisir et sans l’action. — Dans la réalité positive, l’intelligence est bonne parce qu’elle augmente la puissance, de la volonté et l’énergie de la vie ; augmentation qui, à son tour, produit un sentiment de joie. Mais un être purement intelligent, qui, par hypothèse, ne serait qu’un miroir insensible des choses et ne pourrait jamais être davantage, jamais agir, jamais, jouir, en quoi serait-il bon ? Il serait intelligent, il serait en conformité avec les choses, il serait pour ainsi dire, la continuation des choses, elles-mêmes sous une autre forme, comme le rayon réfléchi par le miroir est la continuation du rayon incident, comme l’empreinte du cachet sur la cire est la continuation du cachet, comme la forme du rocher façonné ; par les coups répétés, des vagues est la continuation, la résultante, l’expression des forces de la mer ; je vois dans tout cela de la logique, de la nécessité ; j’y vois l’identité du monde se poursuivant jusque dans la pensée qui le reflète, j’y vois la prolongation et en quelque sorte : la présence du tout dans les parties qui n’existeraient pas indépendamment de lui : je n’y vois rien de véritablement bon. Je ne puis encore que répéter en face des objets intelligibles et du sujet intelligent : — Le monde est ce qu’il est, il est partout d’accord avec lui-même, dans la pensée comme dans les choses, dans l’esprit transparent de l’homme comme dans la pierre opaque du chemin ; en un mot, ce qui est est. — « Tu ne sortiras, jamais de cette pensée, » comme disait le vieux Parménide. Ériger en bonté et en bien cette fatalité de la logique universelle, dont, le