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SAUVAGEONNE

PREMIÈRE PARTIE.


I.

Cling ! clang !.. Les cloches de la petite église d’Auberive sonnaient le dernier coup de vêpres. Les deux chiens-loups de l’épicier Sausseret, dont les nerfs étaient sans doute désagréablement ébranlés par le timbre grêle de la sonnerie, s’étaient élancés hors de la boutique de leur maître, et, le nez en l’air, les oreilles couchées, accompagnaient les cloches d’un long glapissement plaintif. Deux ou trois dévotes, frileusement enveloppées dans des pelisses à capuchon, leur paroissien à la main, se hâtaient vers l’église, dont la flèche pointue dépassait les arbres du quartier des Corderies : on voyait leurs silhouettes noires se détacher en perspective sur le cailloutis blanc de la rue montante. Le nouveau garde-général, Francis Pommeret, sortit à son tour de l’auberge du Lion d’or, où il logeait, et suivit la route qui coupe le village dans sa longueur. Le garde-général était en tenue : tunique verte serrée sur les hanches, pantalon gris à la hussarde, képi à galon d’argent et gants de peau de daim. Installé depuis peu, il avait choisi ce dimanche de février pour, faire ses visites d’arrivée.

Il cheminait lentement entre les maisons basses qui bordent la route ; de temps en temps, un coin de rideau se soulevait à une