Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui ont été adressés/reste assez indifférente ; pour le moment, elle se sent un peu liée par les engagemens de lord Salisbury. A Vienne, la France n’a que des sympathies ; à Berlin, elle ne trouvé que des encouragemens qui, fussent-ils intéressés et calculés, laissent provisoirement la situation libre. L’Italie seule a été assez peu habile pour ne pas déguiser un mécompte, et au demeurant si elle a de la mauvaise humeur, elle est évidemment décidée ou résignée à ne rien faire qui puisse altérer ses relations avec la France. Il n’y a aucune apparence de difficultés dans les dispositions présentes de l’Europe. Qui pourrait dire cependant qu’il ne se produirait aucune complication s’il y avait des lenteurs, des incidens, des incertitudes ? De telle sorte que tout se réunit pour nécessiter une action prompte et décisive qui tranche la question sans laisser place à un embarrassant imprévu.

La vie de l’Europe est ainsi faite qu’on n’est jamais au bout des difficultés, des incidens. Pour que ce traité de Berlin, qui reste l’affaire commune de toutes les puissances, qui fixe l’état nouveau de l’empire ottoman, devienne une réalité plus ou moins sérieuse, plus ou moins durable, quel temps a-t-il fallu ? On est déjà à la troisième année, et c’est tout au plus si, après en avoir fini tant bien que mal pour le Monténégro, on commence maintenant à entrevoir la solution pratique de ce différend turco-grec qui, à plusieurs reprises, a failli rallumer tous les conflits de l’Orient. Les cabinets auront-ils cette fois trouvé le vrai moyen de régler cette question des frontières helléniques que la dernière conférence de Berlin avait si singulièrement compliquée ? On dirait que les patientes et laborieuses négociations qu’ils ont renouées et poursuivies depuis cinq mois ont aujourd’hui quelque chance d’être plus heureuses.

Le tracé de la conférence de Berlin a été, bien entendu, à peu prés abandonné. Le système d’arbitrage qui avait été un moment proposé n’a pas même été essayé. Les ambassadeurs européens réunis à Constantinople se sont tout simplement remis à l’œuvre et se sont ingéniés à découvrir une délimitation nouvelle combinée de façon à sauvegarder les intérêts essentiels, tout au moins la dignité de la Turquie, en faisant une part assez large encore à la Grèce. Le tracé élaboré par les ambassadeurs a été, il y a quelques semaines, déjà notifié officiellement à Athènes, et on ne s’est pas borné, paraît-il, à cette communication diplomatique ; les souverains, les chefs d’états étrangers auraient écrit au roi George pour le presser de se soumettre à une décision que la force des choses, les circonstances ont rendue nécessaire. Que le cabinet d’Athènes ait reçu cette communication avec enthousiasme, on ne peut pas le dire. Le ministre des affaires étrangères, M. Coumoundouros, dans sa réponse, ne se défend pas de jeter quelques fleurs de rhétorique sur l’œuvre de la conférence de Berlin, de témoigner des regrets et même