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REVUE DRAMATIQUE

Odéon : Madame de Maintenon, drame en 5 actes, avec prologue, en vers, par M. François Coppée. — Comédie-Française : le Monde où l’on s’ennuie, comédie en 3 actes, en prose, par M. Édouard Pailleron.

M. François Coppée peut se pardonner maintenant cette victoire du Passant, qui avait bien la grâce d’une première victoire, dans un âge où la gloire est la plus désirée, la plus rare, la mieux seyante des élégances, mais dont le souvenir, depuis tantôt douze ans, se laissait opposer aux légitimes espérances de son talent plus formé. C’est une terrible chose que de vaincre à l’étourdie, du premier coup, sans conteste ; et si, par surcroît, c’est dans une escarmouche, soyez sûr que l’opinion ne donnera pas de longtemps au vainqueur le droit de livrer une bataille rangée. Jusqu’à ces derniers jours, pour le public des théâtres, M. François Coppée restait l’auteur du Passant : il avait bien pu écrire, et même avec succès, les Deux Douleurs, l’Abandonnée, le luthier de Crémone, le Trésor, comme un tireur habile double ses balles l’une par l’autre sur un point blanc ou noir à peine visible à trente pas ; mais de viser plus haut, de soulever une arme qui portât plus loin, vainement, depuis douze ans, il demandait cette licence : après le Passant, on lui demandait le Passant. Même au lendemain de la guerre, au lendemain de la commune, alors que le vaudeville semblait s’abîmer avec l’empire, que la comédie même était au moins suspecte et que sur tant de ruines la tragédie se relevait comme l’archange gardien de la France régénérée, M. Coppée ne fut pas admis dans le bataillon sacré des poètes chargés de croiser l’allusion contre l’ennemi d’outre-Vosges. Il écrivit, avec M. Armand d’Artois, cette belle épopée scénique, la Guerre de cent ans ; mais, hélas ! il était, dès avant les événemens, compromis comme artiste, comme lettré, comme Français de luxe : on ne pouvait l’inscrire parmi les tragiques de garde. Il jouait si bien de la guitare de Zanetto ! On lui retira