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raisin étranger n’a encore été adopté par nous, ou plutôt aucun d’entre eux ne nous a adoptés .

« A trois reprises différentes, j’ai emporté des vignes de ma patrie, une fois même, en 1842, des pépins. En 1850, je transportai moi-même, à grand’peine et à grands frais, une collection de petits arbres à fruits et de plants de vigne pesant environ cinquante livres. Je les transportai moi-même de bateau en bateau, de diligence en diligence ; je les trempai dans le Neckar, le Rhin, le Weser, le Delaware, le Cumberland, l’Ohio, sans omettre l’eau de mer distillée sur les bateaux, mais tout cela en vain pour les vignes ; mes poiriers, abricotiers, pruniers, cerisiers, framboisiers ont tous réussi, mais les vignes (et les groseilliers à maquereaux) ne purent être naturalisées ! Elles végétèrent, mais seulement pour un temps… » Mon auteur ajoute avec bravoure, avec héroïsme même : « Je ne me découragerai pas et j’essaierai de nouveau dès que l’Europe aura une bonne année de vin garantissant au bois et aux pépins une maturation complète. »

Ce naïf et utile serviteur de la bonne cause conseille en attendant de planter de bonnes et saines boutures de catawba, qu’il soit indigène ou importé, puis de continuer à essayer des variétés étrangères, soit qu’elles proviennent de l’ancien monde, soit qu’elles poussent sauvages dans les terrains vierges de l’Ouest. Il ajoute que l’isabelle est bon dans sa zone, mais que, dans l’Ouest, le catawba lui est préférable. Cette phrase m’amène à citer un passage d’Husmann, daté de 1866 :

« Le plus tôt nous abandonnerons l’idée qu’une espèce de vigne doive être la vigne de notre immense pays, le plus tôt nous essaierons d’adapter la variété à la localité, le plus tôt nous réussirons ; il est absurde et indigne d’une nation intelligente de penser qu’une variété unique puisse vivre également bien ou également mal dans des sols et des climats aussi variés que ceux de notre grand pays[1]. »

En effet, il n’existe pas de plant universel ; aussi, par la force des choses, par une création incessante de nouvelles variétés et une élimination dont le sol et le climat se sont chargés, les variétés se sont adaptées et classées selon leur nature dans les différens centres de production.

Reprenons d’abord[2], pour mémoire, le schuylkill ou cape des Suisses de Vevay ; ce cépage, devenu monument historique, n’est plus une actualité commerciale depuis que le catawba et l’isabelle l’ont remplacé avec avantage.

  1. The Cultivation of the native grape and manufacture of American wines ; New-York, 1866.
  2. Catalogue de Bush.