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et de captifs eut bientôt creusé, entre l’ancienne branche Canopique et le lac Marœotis, un canal dont on voit encore les traces. Le problème des embouchures du Nil était ainsi résolu plus de trois siècles avant notre ère.

Le même procédé fut employé au port d’Ostie, à l’embouchure du Tibre. Les anciennes salines d’Ancus Martius, le premier établissement de cette nature sur le littoral de la Méditerraiiée, étaient envahies par les sables et les limons. De siècle en siècle, la terre gagnait sur la mer, et l’on voit encore aujourd’hui les ruines des trois villes d’Ostie : l’Ostie des rois de Rome, l’Ostie de la république et l’Ostie impériale, échelonnées sur les berges du vieux Tibre, comme de véritables chronomètres qui permettent de mesurer le taux d’avancement du fleuve et la marche progressive de ses atterrissemens. Ostie était pour Rome ce que Marseille est devenu pour la France : le port d’arrivage des blés. Le salut public commandait de le conserver à tout prix, et un canal semblable à celui d’Alexandrie permit aux convois d’éviter l’embouchure envasée du fleuve et mit ainsi en communication directe les ports de Claude et de Trajan avec le Tibre supérieur.

Même solution, mêmes travaux dans la lagune de l’Aude et dans celles du Pô et du Rhin. Un chenal maritime traversait l’ancien lac Bubresus, qui correspond aux marais modernes de la Clape et de Sigean et venait aboutir à Narbonne. Un autre canal artificiel, la fossa Augusta, conduisait directement de la mer Adriatique à Ravenne ; et, à l’extrémité septentrionale de l’empire, la fossa Drusiana, creusée par les légions de Drusus, père de Germanicus, faisait communiquer la mer du Nord avec les différens bras du Vieil-Yssel et ouvrait ainsi aux navires une route nouvelle à côté des bancs vaseux qui obstruaient les embouchures multiples de la Meuse, de l’Escaut et du Rhin.

La canalisation latérale était donc la méthode pour ainsi dire classique suivie par les anciens. Le Rhône devait avoir aussi la sienne ; et ce fut même le premier grand travail d’utilité publique exécuté par les Romains sur le sol de la Gaule.

On lit dans Plutarque que, peu après avoir pris possession de son deuxième consulat. Marins conduisit une première armée en Gaule pour s’opposer à la marche des Ambrons et des Teutons, mais que ceux-ci refusèrent tout d’abord le combat et se ruèrent sur l’Espagne, où ils restèrent pendant près de deux années. Ils franchirent alors les Pyrénées sans éprouver de résistance ; et, après avoir ravagé tout le sud-ouest de la Celtique, se dirigèrent vers les Alpes et l’Italie, menaçant de renouveler sur les bords du Tibre les terribles exploits de la première invasion gauloise.