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pas de biographie véritable, et il n’en a pas parce qu’il n’a pas voulu d’autre existence que l’existence ordinaire des jeunes gens, et que des bals, des soupers, des parties de plaisir, ou des bonnes fortunes d’amour seront toujours de médiocres élémens biographiques à moins que le héros lui-même ne nous en rende les émotions, l’entrain et les passions, comme il est arrivé à Alfred de Musset de le faire une fois dans cette page charmante tirée de ses papiers posthumes, un Souper chez Mlle Rachel. La vie de don Juan même nous paraîtrait d’une insignifiance peu commune, si nous n’avions pour tout document que la liste toute sèche des tre mille e tre de Leporello.

Le second fait que nous voulons signaler est bien plus significatif encore. On sait la jolie petite préface en vers qu’il écrivit pour le recueil de ses poésies, lorsque ce recueil parut pour la première fois sous le format Charpentier.

Mes premiers vers sont d’un enfant,
Les seconds d’un adolescent,
Les derniers à peine d’un homme.


Ces vers racontent exactement sa carrière poétique tout entière. On dirait qu’à force d’entendre de Musset répéter avec une ferveur passionnée que la jeunesse était la seule saison enviable de la vie et qu’avec elle finissait tout ce qu’il y a de noblesse, de bonheur et de liberté, sa muse l’a pris au mot. N’est-il pas bien remarquable en effet que son inspiration commence et finisse exactement avec la première jeunesse ? Consultez par curiosité la table de cette Revue entre 1833 et 1840 et voyez comme les productions se succèdent avec rapidité : proverbes, comédies, contes, poèmes lyriques ; encore la liste des œuvres écrites dans ce court espace de temps n’est-elle pas complète, ne comprenant ni Lorenzaccio, ni la Confession d’un enfant du siècle. Arrive 1840, et cette source tout à l’heure si abondante devient tout à coup singulièrement intermittente. Désormais