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alphabétique, dont l’égalité apparente ne profite qu’à un petit nombre ; mais la façon dont le jury accueillit cette tentative et la faillit rendre impossible par l’admission en bloc des œuvres les plus médiocres prouva que l’administration ne rendrait aux expositions un caractère impartial d’enseignement élevé qu’à la condition d’y reprendre la haute main. Au mois de décembre 1880, le nouveau conseil supérieur des beaux-arts, appelé à donner son avis, se prononça, comme les précédens conseils, pour que la question des expositions annuelles fût remise aux artistes, l’état ne faisant plus, sous sa responsabilité, que des expositions solennelles et rétrospectives aux époques qu’il lui conviendrait de fixer. L’Association des artistes, connue sous le nom de Société Taylor, fonctionnant honorablement depuis longtemps, paraissait présenter toutes les garanties désirables pour se charger de cette gestion, mais, devant les interprétations malveillantes données à son initiative, cette association dut se retirer. A moins de considérer le vœu du conseil comme non avenu, à moins de faire supposer, de sa part, une arrière-pensée dans l’offre d’indépendance qu’elle venait de faire, l’administration n’avait plus qu’à mettre en demeure les artistes de s’organiser. C’est ce qui fut fait d’abord par un arrêté convoquant tous les artistes en assemblée générale pour l’élection d’un comité chargé de leurs intérêts, ensuite par la communication du sous-secrétaire d’état, qui décida la formation de la société par les soins de laquelle s’ouvre en ce moment le Salon. La commission du budget, à ce que nous croyons, a approuvé cette résolution en proposant de limiter dorénavant le crédit des expositions à la somme nécessaire pour les acquisitions.


III

Quelles conclusions tirer de ce résumé rapide ? Nous n’avons à étudier ici, ni en théorie, ni dans l’histoire, d’autres questions se rattachant au Salon. Nous n’avons pas à nous demander si l’influence d’expositions aussi rapprochées est plus nuisible qu’utile à l’éducation des artistes et au développement de leur originalité, si le système de récompenses adopté n’a pas pour effet certain d’enlever trop tôt les débutans à l’apprentissage, d’encourager des vocations mal assurées, de détourner des ateliers industriels un grand nombre d’excellens travailleurs qui deviennent des artistes déclassés. Ces questions sont trop graves pour être traitées en passant. Des documens que nous avons analysés sur un seul point, celui de l’organisation, résultent, si nous ne nous trompons, trois conséquences frappantes ; la première, c’est que l’exposition annuelle est désormais une habitude intelligente dont on ne saurait, sans conséquences fâcheuses, enlever le plaisir aux Parisiens et la gloire