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d’une nouvelle exposition, mais le souvenir de ce qui s’était passé était encore trop présent aux esprits pour qu’on voulût y revenir. La révolution de septembre avait d’ailleurs réuni l’administration des beaux-arts à celle de l’instruction publique ; le devoir du ministre se trouvait désormais tracé. Les beaux-arts redevenaient ce qu’ils peuvent être au point de vue de l’état, un moyen puissant d’élever l’esprit public et d’ennoblir les imaginations populaires par l’attrait instructif des images expressives, et L’état devait ne plus songer qu’à relever le niveau de la production par l’encouragement raisonné des artistes sérieux et des œuvres méritoires. L’élection du jury resta confiée aux artistes, mais le droit de suffrage fut restreint aux exposans récompensés et le nombre des ouvrages à recevoir expressément limité. Les numéros du catalogue tombèrent de 5,434 à 2,067. Grâce à ce triage, les Salons de 1872 et de 1873, où les bonnes œuvres, moins compromises par un entourage de hasard, se soutenaient les unes les autres, ont laissé une trace profonde dans l’esprit public et exercé une influence décisive sur l’école, sans que les chefs-d’œuvre y fussent plus nombreux qu’aux Salons précédens et suivans. Les exclus, cela va sans dire, crièrent à la tyrannie ; nul ne voulut se dire que Paris est grand, que les salles, ateliers, cercles, boutiques n’y manquent jamais, où chaque peintre est libre de soumettre ses travaux au jugement public, nul ne voulut penser qu’après tout la république, pas plus que la monarchie, n’a d’intérêt sérieux à prendre à sa charge tous les gens qui s’avisent de manier un pinceau, non plus qu’à entretenir indistinctement tous les forgeurs de drames, tous les faiseurs de sonnets, tous les fredonneurs d’opérettes, tous les roucouleurs de romance qui pullulent sur son territoire indulgent. Soit irréflexion, soit apathie, soit timidité, personne ne chercha encore le remède là où il peut être, dans l’exercice de la liberté, tant l’habitude de se fier à l’état pour tous ses succès et d’accuser l’état de tous ses échecs avait rendu chez tous l’activité débile et la volonté languissante !

Sur ces entrefaites, par un contre-coup politique, l’administration des beaux-arts fut confiée, en 1873, à l’auteur du fameux projet d’Académie nationale des beaux-arts, signé avec enthousiasme, en 1870, par quatre cents artistes en belle humeur d’indépendance. La loyauté et la logique obligeaient le nouveaux directeur des beaux-arts à ne point oublier les paroles libérales de l’ancien conservateur des musées. Un pressant appel fut donc adressé aux signataires de cette constitution pour qu’ils la missent régulièrement en pratique avec l’autorisation pleine et entière du gouvernement. Cette fois encore la liberté, vue de près, épouvanta ceux qui l’avaient appelée. Quelques groupes se formèrent, il est vrai, pour jeter les bases d’une association ; mais le mouvement resta limité ; ces groupes