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s’efforce, en même temps, de parer aux inconvéniens connus d’un déballage général en s’adressant à la conscience même des exposans. Il les invite, durant le Salon, à faire porter dans une salle spéciale « celles-là seules de leurs productions qu’ils jugeront les plus dignes de concourir. » L’histoire ne dit pas si la salle spéciale suffit à contenir les concurrens. Toujours est-il qu’on voit le jury revenir l’année suivante, jury indulgent, car le nombre des ouvrages catalogués s’abaisse à peine. En 1803, tout rentre sous une discipline militaire ; il n’est plus question, l’on s’en doute, de rien débattre avec les artistes. Le premier consul donne à l’Institut, nouvellement reconstitué, la consigne de diriger les expositions. Désormais, l’autorité de David, l’ancien destructeur de l’Académie royale, mène, tambour battant, durant tout l’empire, les arts et les artistes. La restauration veut équilibrer plus justement les influences dans le jury en adjoignant à des membres choisis dans l’Institut quelques administrateurs et quelques amateurs. Les Salons deviennent alors intermittens. Il y en a cinq sous Louis XVIII, en 1814, 1817, 1819, 1822, 1824, un seul sous Charles X, en 1827. Une des premières ordonnances du roi Louis-Philippe décida enfin que les expositions seraient annuelles. En effet, durant tout son règne, sauf l’interruption de 1832, pendant le choléra, elles se succèdent régulièrement, de 1831 à 1847. Le jury était composé des quatre premières sections de l’Académie des beaux-arts (peinture, sculpture, architecture, gravure), fonctionnant ensemble.

Alors ne cessèrent d’éclater les récriminations les plus violentes et parfois les mieux justifiées. Les reproches autrefois adressés à l’Académie royale, association libre de travail et d’enseignement, largement ouverte, n’étaient que des tendresses si on les compare aux torrens d’injures dont fut abreuvé l’Institut, corps honorifique, officiel, strictement limité, se renouvelant peu. M. Vitet, avec sa largeur accoutumée de vues et sa haute indépendance de jugement, a fait ressortir la différence des deux institutions et l’impossibilité fondamentale pour l’Académie actuelle d’apporter, dans ses rapports avec les artistes, la souplesse nécessaire : « En restaurant l’édifice, on n’en a conservé que la partie supérieure. L’Académie nouvelle n’est pas directement en contact avec les artistes. Elle n’a aucun moyen de grouper autour d’elle et de s’attacher par les liens de l’adoption tous les jeunes talens qui naissent et grandissent chaque jour et à qui l’avenir appartient… Autrefois les académiciens n’étaient pas tous égaux et ne jouissaient pas tous des mêmes droits, des mêmes prérogatives. Il y avait entre eux des degrés, degrés qui étaient franchis tantôt par l’élection, tantôt par l’ancienneté ; leur nombre, limité seulement dans les rangs supérieurs et illimité dans les autres, pouvait, par une élasticité souvent heureuse, s’étendre ou se