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tension énergique vers un idéal lointain, se réfugie, soit pour se fortifier, soit pour se distraire, vers l’antiquité classique. C’est là qu’ils cherchent, comme le faisaient, à côté d’eux, les orateurs et les littérateurs, soit des exemples héroïques dans les traditions historiques du monde grec et romain, soit des consolations attrayantes dans ses légendes mythologiques. Les sujets « commandés pour la nation » étaient une Hélène poursuivie par Énée, de Vien ; une Mort de Sénèque, de Robert Lefebvre ; une Mort de Pauline, femme de Sénèque, de Taillasson. Vien et Taillasson avaient tous deux fait partie de l’Académie ; Lefebvre était élève de l’Académie. C’était, en réalité, par le talent de ses membres, l’Académie qui gouvernait encore la Commune des arts. Aussi la nouvelle association ne tardât-elle pas à être suspecte, et, sur la dénonciation de quelques membres déjà formés d’avance en Société républicaine et populaire des arts, elle fut bientôt dissoute par la convention qui venait de l’instituer.

Nous possédons les procès-verbaux de la Société républicaine et populaire des arts du 1er ventôse au 1er prairial de l’an II dans le journal Aux armes et aux arts ! que publiait l’un de ses secrétaires, l’architecte Détournelle. La politique y tient, on ne peut s’en étonner, autant de place que les arts. Dès la première séance, on remarque « qu’il manquoit une infinité de membres et que c’étoient précisément les sournois agitateurs (les académiciens). Alors on proposa de s’épurer : un noyau de patriotes connus fut formé ; un creuset préparatoire fut chauffé, le feu ardent dont on l’entretient sans cesse écarte les faux patriotes. » Tout en protestant, à chaque séance, de son horreur pour les corporations, la société, qui se recrutait par l’élection, en constituait une à son tour ; on exigeait, pour chaque candidat, la présentation par quatre membres et un certain nombre de garanties assez difficiles à préciser, entre autres celle de ne pas faire partie d’un club proscrit par l’opinion publique. Certains épisodes, comme celui de la dénonciation de leurs maîtres et de leurs camarades par Wicar, Dandrillon, Sablet, Debures, Moinet, Gois, Gérard, revenant d’Italie, sont douloureux à rencontrer ; certains autres prêteraient au sourire, si le temps n’était si sombre et si les acteurs n’étaient si graves. La société, par exemple, à la suite de cette dénonciation, discute, à plusieurs reprises, si les ouvrages des traîtres doivent être anéantis, et l’on vote la « brûlure pour leurs tableaux, » On peut croire ce qu’assure Détournelle que « les débats furent vifs dans cette séance où déjà la discorde souriait de voir des artistes divisés ; » d’ailleurs Détournelle, esprit tempéré, n’est point pour les moyens violens, il estime qu’on ne peut être accusé de modérantisme « parce qu’on veut conserver le tableau qui n’a rien fait et guillotiner l’auteur qui