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dans le grave amour qu’ils portaient à la jeunesse et dans le respect simple qu’ils éprouvaient pour leur art, n’osèrent penser qu’on put tirer profit de la curiosité publique. Les expositions furent toujours gratuites. Le produit du livret, qui devint assez vite une rentrée importante, fut longtemps abandonné au concierge qui le rédigeait. Le personnel subalterne était alors choisi avec le plus grand soin, car le règlement prévoit le cas où les huissiers exerceraient eux-mêmes quelque art et leur donne le droit d’assister à certaines leçons. Ce n’est que sur le tard, en 1755, que Cochin, alors secrétaire, chargé de la révision du catalogue, demanda que le bénéfice lui en revînt. Cochin était, par malheur, l’un des plus riches académiciens. M. de Marigny décida que le produit du livret n’appartenait ni au secrétaire, ni au concierge, mais bien à l’Académie. À cette époque, c’était déjà un revenu de 10,000 livres en moyenne. L’Académie encaissa désormais la recette, mais en attribuant 600 livres au rédacteur, 2 sous sur chaque exemplaire au concierge vendeur, et 2 sous aux modèles servant de gardiens.

Malheureusement l’Académie, si dévouée à son œuvre, si digne dans tous ses actes, ne sut pas, à certains momens, résister plus qu’aucune autre association, aux entraînemens de l’esprit de corps. D’opprimée qu’elle avait été d’abord, elle n’avait pas tardé, suivant la fatalité commune, à devenir elle-même oppressive. Le gouvernement autoritaire de Lebrun lui donna, sur ce point, des traditions regrettables que les directeurs suivans, lorsqu’ils se trouvèrent avoir même tempérament, ne manquèrent pas de reprendre ; . La faveur de la cour lui servit souvent à s’attribuer des privilèges presque aussi étendus que les privilèges tyranniques de l’ancienne maîtrise, et l’administration royale eut même à lui résister, en diverses occasions, plus qu’à la soutenir. Si le but qu’elle poursuivait, celui de maintenir à un niveau supérieur l’enseignement des arts, était un but estimable, les moyens qu’elle employa parfois étaient de ceux que le souvenir de son passé aurait dû lui faire répudier. Dès 1676, l’Académie fait fermer de force, dans Paris, les ateliers où des étudians, demeurant trop loin du Palais-Royal, avaient installé des modèles. L’antique académie de Saint-Luc, sa rivale obstinée, fut poursuivie par elle avec une ténacité sans exemple, obligée de chercher sans cesse, pour ses expositions, dans l’hôtel inviolable de quelque grand seigneur, un local provisoire dont elle était bien vite chassée. Enfin, après plus d’un siècle de luttes, sa suppression définitive fut obtenue en 1776, l’Académie insulta à sa chute en inscrivant sur son sceau cette devise ironique : Libertas artibus restituta. D’autres sociétés plus jeunes eurent naturellement le même sort. Des expositions ouvertes au Colisée furent interdites, celles de la place Dauphine tolérées seulement pendant quelques