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énergique sur la marche de l’école française, malgré les difficultés de toute sorte qu’elle eut à surmonter. Corporation indépendante, fondée par l’initiative de quelques nobles esprits plus avides de gloire que d’argent, qui s’indignaient de voir l’art confondu avec le commerce, elle avait, pour se bien distinguer du corps industriel des maîtres peintres, dans les premiers articles de ses statuts dédié « à la vertu » le local de ses réunions, déclaré qu’elle ne se réunirait jamais pour faire « aucuns festins ni banquets, » et que « l’envie, la médisance, la discorde » entraîneraient l’exclusion des membres, chacun ayant d’ailleurs le de voir de « dire librement ses sentimens » sur les ouvrages de ses confrères. L’Académie, sauf quelques faiblesses assez rares dans le cours d’une si longue carrière, resta, on peut le dire, fidèle à cette fière déclaration. La discipline la plus rigoureuse ne cessa d’y régner ; les plus illustres artistes, peintres privilégiés de tous les souverains d’Europe, se faisaient honneur d’obéir, avec une soumission touchante, aux décisions de leurs officiers. Ce n’était point une sinécure d’être académicien ; les engagemens qu’on prenait en prêtant serment étaient nombreux et lourds à tenir. D’abord on devait, avant d’être définitivement élu, présenter, dans un délai fixé, un tableau ou une statue sur un sujet donné par l’Académie. Ce tableau ou cette statue devenait le bien de l’association et allait grossir un admirable musée d’études, malheureusement dispersé aujourd’hui, dont les plus beaux restes forment le fonds de la galerie française au Louvre. Dès que l’artiste était académicien en titre, il se trouvait soumis à toutes les charges que l’élection de ses confrères lui pouvait conférer et d’abord à celle du professorat. Chaque académicien, à son tour, pendant un mois de l’année, posait le modèle tous les jours. Non-seulement il était tenu de corriger et de tenir assidus les élèves pendant les séances, mais il devait encore travailler devant eux, « dessiner ou modeler le modèle afin qu’il serve d’exemple, » car ces dessins et maquettes formaient une seconde collection publique destinée à l’enseignement. Il était exposé, en outre, suivant un roulement déterminé, à remplir les fonctions de recteur de l’école, chargé de l’administration durant trois mois, à faire la lecture d’une conférence dans l’une des assemblées de quinzaine, à diriger l’installation du Salon, comme nous l’avons vu. Nul ne pouvait, nul ne songeait à décliner ces honorables obligations. Si l’on se montrait susceptible à l’excès pour les discussions venant du dehors, on acceptait, en revanche, dans l’intérieur de l’Académie, dont faisaient partie tous les amateurs et théoriciens éclairés du temps, les plus libres discussions. Les élèves, on le sait, étaient admis à discuter publiquement les ouvrages de leurs maîtres, et tous les votes sur les concours étaient motivés. L’Académie était donc