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Portail, résidant à Versailles, et, par son rang dans l’Académie, « concilier les esprits, en leur conservant le droit d’ancienneté dont les artistes sont jaloux, sans préjudicier à l’agrément du coup d’œil. » L’excellent Chardin fit de son mieux, et l’Académie fut, l’année suivante, si touchée de son zèle qu’elle sollicita, par une démarche des plus honorables, pour lui et « à son insçu, » une pension de 1,000 livres. Cette fois, Cochin, retournant l’argument dont il s’était servi, insista près de M. de Marigny sur tout le désavantage qu’il y avait pour Chardin à habiter Paris, « car M. Portail, écrit-il, après avoir employé quelques jours nécessaires pour l’arrangement général, était à l’abri de toute persécution en se réfugiant à Versailles, au lieu que M. Chardin est obligé d’être continuellement occupé de cette affaire pendant tout le temps du Salon. » Le directeur des bâtimens fit observer que le Salon n’avait lieu que tous les deux ans ; il ajouta cependant 250 livres à la pension du peintre. Malgré la reconnaissance de l’Académie, Chardin renonça vite à la corvée. En 1775, on dut décider qu’elle serait obligatoire et que tous les académiciens, à tour de rôle, installeraient le Salon. En 1785, Pierre, le directeur, est désespéré ; tous ses confrères lui échappent : « Le Salon, écrit-il à M. d’Angiviller, donne beaucoup de désagrément à l’artiste qui est chargé de l’arranger. La plupart refusent de s’en charger. Ceux qui se laissent persuader s’en dégoûtent. M. Amédée Van Loo ne vouloit pas suivre ; enfin je l’ai fait consentir. » Van Loo, dont le tour venait, était en effet assailli d’injures et de lettres anonymes avant de s’être mis à l’œuvre, mais dès qu’il eut reçu l’ordre d’agir, il le fit avec intelligence et fermeté. Il proposa des modifications heureuses dans les dispositions de la salle, établit, pour les petits tableaux, des cloisons mobiles, « en attendant qu’on puisse faire un établissement qui auroit été pour toujours la première dépense fournie. » Hélas ! ce simple désir de Van Loo n’est pas réalisé à l’heure qu’il est, et nous ne sommes guère plus avancés en 1881 qu’on ne l’était en 1785. Les beaux-arts, campés dans le Palais de l’Industrie, disputant chaque année, à grands frais, des galeries toujours refaites et toujours défaites, aux animaux gras, aux chevaux, aux fromages, aux machines, attendent encore « qu’on puisse faire un grand établissement qui serait pour toujours, la première dépense fournie. » Quoi qu’il en soit, les innovations intelligentes de Van Loo n’eurent pas plus de succès que ses désirs. On dut, sur les plaintes des exposés, ordonner un déplacement général, faire descendre en bas, durant une semaine, les tableaux qu’il avait mis en haut. Ce déplacement fut sa vengeance. « Chaque tableau descendu, dit le directeur Pierre dans son rapport, joue le même rôle qu’il jouait plus