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grandeur naturelle ; en revanche, ils supportent, dans les combles, un Énée emportant son père Anchise, par Suvée, alors adjoint à professeur et bientôt directeur de l’école de Rome. Cinq petits cadres sont juchés au-dessus de la grande porte ; nous tremblons d’y reconnaître Cinq Têtes ajustées dans le genre historique, par le savant Taillasson, appartenant à M. de Nicolaï, premier président du grand conseil. Au salon de 1787, on s’échelonne plus haut encore. Le Priam demandant à Achille le corps d’Hector par Doyen, professeur et peintre de Monsieur, surmonte le Portrait de Madame Adélaïde, par Mme Guyard, premier peintre de Mesdames, lequel a 8 pieds 6 pouces et surmonte le Socrate de David, qui en a 6. Priam se console en sentant piétiner au-dessus de son cadre de 10 pieds Alexandre domptant Bucéphale par Monsiau. Ce dernier est à 8 mètres au-dessus du sol. C’était à regretter les murs, en plein air, qui suffisaient à Lebrun et à Jouvenet !

Il ne semble pas, cependant, que ces installations étranges aient excité des lamentations et des désespoirs comparables à ceux qui suivent aujourd’hui le combat autour de la cymaise, combat plus acharné que celui des Grecs et des Troyens autour du corps de Patrocle. Il est vrai que la cymaise n’était alors qu’une moulure architecturale, généralement placée haut, dans les corniches des frises, et l’on ne se bat jamais bien que lorsqu’on se bat avec des mots justes ou non, mais nouveaux et sonores. Le choix de l’entourage pouvait aussi faire passer sur les désagrémens de la situation. Tel qui se tiendra poliment collé contre un mur, une soirée durant, sans gémir ni souffler, dans un salon étroit de bonne compagnie, ne se met-il pas à crier comme un diable, pour peu qu’on le coudoie ou que son siège soit dur dans une réunion publique ? La fonction de l’artiste chargé par ses confrères de placer les ouvrages ne fut pas cependant, malgré la courtoisie réglementaire, toujours exempte de petits ennuis. En 1699 et en 1704, c’est le paysagiste Hérault, beau-frère de Coypel, qui est chargé de ce soin en même temps que de la décoration du local ; il s’en tire à merveille, nous l’avons vu. Après lui Stiémart, puis Portail, tous deux conservateurs des tableaux du roi, semblent être, de droit, en cette qualité, les tapissiers de l’exposition ; mais à la mort du bonhomme Portail, en 1763, l’Académie réclama le droit de choisir son placeur. M. de Marigny s’empressa de souscrire à la demande. Chardin, déjà trésorier de la compagnie, Chardin que son infatigable obligeance et sa solide affabilité désignaient pour toutes les fonctions délicates, fut chargé de la besogne. Le directeur Cochin avait expliqué à M. de Marigny qu’ainsi « le Salon pourrait être mieux arrangé à la satisfaction de l’Académie, » que d’ailleurs M. Chardin, habitant Paris, pourrait donner plus de temps que feu