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toute la fraîcheur et l’éclat d’un coloris alors vif et frais, n’eurent point à se plaindre, paraît-il, d’avoir affronté la pleine lumière. Les idées des artistes sur l’éclairage de leurs œuvres n’étaient point alors si compliquées qu’aujourd’hui. Quelques années plus tard, quand le Salon se fait déjà au Louvre, nous verrons Jouvenet se contenter d’une place au dehors. Durant un siècle encore l’Académie de Saint-Luc, rivale intermittente de l’Académie royale, accroche tous les ans, le jour de la Fête-Dieu, les chefs-d’œuvre de ses membres sur les murs de la place Dauphine, devant les tapisseries suspendues pour le passage de la procession. L’exposition de 1673 ouvre la série des expositions de l’Académie dont les livrets nous ont été conservés[1].

Le zèle des académiciens, qui languissait volontiers quand Lebrun négligeait de l’entretenir, paraît s’être assez vite refroidi au sujet des expositions comme au sujet des conférences. Les tiraillemens qui eurent lieu en 1675 à propos du placement des tableaux dont quelques-uns « estaient eslevés excessivement en des lieux où ils ne peuvent pas estre vus » et l’impossibilité de trouver un meilleur local contribuèrent sans nul doute à faire mettre en oubli les statuts. Malgré la subvention royale de 2,000 livres, la pénurie de la société restait d’ailleurs inquiétante. En 1677 et en 1679, on ne fit pas d’exposition, parce qu’on ne trouva pas en caisse de quoi payer les frais. Les dépenses devaient pourtant être fort modestes, si l’on en juge par ce que coûtait encore le Salon dans le siècle suivant. Nous avons les notes détaillées de 1759 et de 1783 ; la première s’élève à 222 livres, la seconde à 758 livres, et l’année 1783 passe pour une année de folles innovations : on y fournit jusqu’à des gants aux ouvriers « pour manier les bordures. » Malheureusement, le bilan de l’Académie se soldait toujours en déficit ; en 1679, les dépenses excédèrent de 705 livres les recettes, qui avaient atteint 4,563 livres 13 sols. L’indifférence s’en mêla aussi : en 1681 et en 1683, on réunit à grand’peine un nombre suffisant de peintures. De guerre lasse, on renonça aux expositions.

Il fallut un changement de régime et l’avènement d’un nouveau surintendant pour rendre à l’Académie son activité. Mansart, successeur de Colbert, en prenant le protectorat, invita les académiciens à tenir leurs engagemens et, pour leur en faciliter l’exécution, leur concéda la grande galerie du Louvre. Une estampe de l’Almanach royal nous a conservé l’aspect de cette exposition. Les murailles

  1. La collection des livrets de l’exposition de 1673 à 1800, devenue très rare, a été réimprimée. C’est dans le très intéressant volume de Notes et Documens, joint par M. J.-J. Guiffrey à cette réimpression, que nous puisons en grande partie les détails qui vont suivre.