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Guillaume de Chalançon, délégué comme commissaire apostolique, fut mis à la tête de cette entreprise. Le nouveau couvent ne tarda pas à s’élever en un lieu dit le Poserot, et l’on prétend que plusieurs princes de la maison de France contribuèrent par le don de sommes importantes à sa construction, D’après les traditions locales, la fondation de ce couvent aurait été entourée de circonstances vraiment merveilleuses. Le procès intenté aux fondateurs dura plusieurs années pendant lesquelles Colette, qui se trouvait alors en Bourbonnais, fit selon toute apparence de nombreux voyages au chef-lieu du Velay, où elle installa définitivement seize de ses religieuses le 2 juillet 1432. Nos lecteurs connaissent la prédilection tout à fait insigne de la réformatrice dès clarisses pour les deux fêtes de la Passion et de l’Annonciation. La présence de Colette sur les lieux mêmes où la conjonction de ces deux fêtes attirait les pèlerins de temps immémorial contribua, sans nul doute, à redoubler encore l’exaltation mystique qui s’empara plus que jamais des âmes à l’approché du grand vendredi de l’année 1429.

L’idée d’établir un rapport de cause à effet entre ce grand vendredi et la mission de Jeanne d’Arc ne nous appartient pas ; nous l’avons empruntée à un contemporain de la libératrice d’Orléans. Un célèbre avocat qui vivait à l’époque du meurtre commis par Jean sans Peur, Nicole de Savigny, avait consigné sur un de ses livres la coïncidence de ce meurtre avec la rencontre de l’Annonciation et du vendredi saint. Vingt-cinq ou trente ans plus tard, un commentateur inconnu, qui nous a conservé en marge d’un missel du diocèse de Châlons la note de cet avocat, reproduisait la même remarque, en l’appliquant à l’Annonciation du vendredi saint qu’avaient suivie les exploits de la Pucelle. Nicole de Savigny avait dit : « Toutes les fois que le vendredi saint tombe le jour de la fête de l’Annonciation, il arrive des choses merveilleuses et des événemens extraordinaires. » L’annotateur de Châlons ajoute : « Il en fut ainsi l’an 1429 où, presque aussitôt après Pâques, la Pucelle prit les armes, leva bannière contre les Anglais, les chassa d’Orléans, de Jargeau, de Meung-sur-Loire, de Beaugency, et leur infligea bientôt une défaite en Beauce. Pendant l’été de cette même année, Charles, roi de France, accompagné de ladite Pucelle, s’étant mis à la tête de ses troupes, passa la Seine et fit reconnaître son autorité dans les cités de Troyes, de Châlons, de Reims, de Soissons, de Senlis et de Beau vais, qui tenaient auparavant le parti des Anglais. Il fut sacré à Reims par Regnault de Chartres, archevêque de cette ville, et par Jean de Saarbruck, évêque et comte de Châlons, par de France, assistés de Jean de Tournebu, évêque de Séez, et de l’évêque d’Orléans, qui était d’origine écossaise. » L’auteur de ces remarques faisait probablement partie du clergé