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rentrer plusieurs villes sous son autorité, et traversait les montagnes de Velay. Du mardi 14 au jeudi 16 de ce mois, il s’arrêta au Puy, et ce fut pendant son séjour dans cette ville qu’il apprit la conclusion définitive d’un traité qui, tout en le frappant personnellement du coup le plus terrible, consommait la ruine de la France. On sait qu’en vertu de ce traité, œuvre d’un pauvre roi fou et d’une mère dénaturée, l’héritier légitime était déclaré déchu de ses droits à la couronne au profit du plus mortel ennemi du royaume, de Henri V, récemment marié à Catherine, l’une des sœurs du dauphin. Soumis à une si cruelle épreuve, ce jeune prince demanda des consolations à la religion. Il vit quelque chose de providentiel dans la coïncidence de cette mauvaise nouvelle avec son séjour dans la capitale du Velay et pensa que la main de la patronne du Puy, cette Notre-Dame des Victoires du midi de la France, était seule assez puissante pour déchirer le traité de Troyes. Il voulut mettre par une démonstration publique, non-seulement sa personne, mais encore sa cause sous la protection de la miraculeuse Vierge noire, objet de l’adoration séculaire de ces populations de l’Auvergne et du Languedoc dont la fidélité lui était si précieuse. C’est pourquoi, après avoir fait son entrée au Puy en grande pompe, il tint à honneur d’être reçu chanoine de la cathédrale de cette ville. On le vit assister aux premières vêpres, revêtu de l’aumusse et du surplis. Le jeudi 16 mai, à la grand’messe qui fut dite pontificalement par un cadet de la famille de Polignac, Guillaume de Chalançon, évêque du Puy, le dauphin, en costume de chanoine, reçut la communion. A l’issue de l’office et pour marquer avec éclat le caractère officiel, en même temps que religieux, qu’il voulait donner à cette cérémonie, le nouveau chanoine conféra de sa main l’ordre de chevalerie à plusieurs seigneurs parmi lesquels on cite les barons d’Apcher, de Latour-Maubourg, de la Roche et Bernard d’Armagnac, comte de Pardiac. A partir de ce jour, toutes les fois qu’un pèlerin visitait la vieille basilique, on ne manquait jamais de lui montrer la stalle qu’avait occupée le royal chanoine, et l’opinion populaire fut ainsi amenée à considérer Charles VII comme ayant des droits privilégiés aux faveurs de la Vierge du Puy.

Le foyer de dévotion et de mysticisme allumé de longue date au Puy par l’allée et venue continuelle d’une foule de pèlerins qui y accouraient de tous les points de l’Europe, ce foyer devint encore plus actif vers la fin de 1425, lorsque Colette de Corbie se mit en mesure d’y fonder, de concert avec Claude de Roussillon, vicomtesse de Polignac, un couvent de clarisses réformées. Dès le 8 septembre de cette année, le pape Martin V accorda l’autorisation qu’il fallait obtenir en pareil cas de la cour de Rome, et l’évêque