Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

25 mars, jour de l’Annonciation, qui est la fête patronale de la cathédrale et du diocèse du Puy. L’institution subsiste toujours, comme le prouve le grand jubilé célébré en 1864. »

Le jour marqué par cette coïncidence, le grand vendredi de l’Annonciation, comme on avait coutume de le désigner au moyen âge, devint ainsi véritablement, pendant la première moitié du XVe siècle, un jour fatidique, objet de l’attente anxieuse des fidèles, point de mire préféré des espérances comme des terreurs de l’imagination populaire. Cette croyance s’enracina d’autant plus facilement et d’autant plus vite dans notre pays que l’on y vénérait depuis des siècles, au Puy, le plus célèbre des sanctuaires placés sous le vocable de l’Annonciation. De 1400 à 1420, le vendredi saint tomba deux fois le 25 mars ; cette coïncidence eut lieu en 1407 et en 1418. Aussi, dans ces deux années, l’on vit accourir dans la capitale du Velay, pendant la semaine sainte, une affluence de pèlerins tout à fait extraordinaire. « En ce carême, lit-on dans la chronique de Jouvenel à la date de 1407, en ce carême, l’Annonciation Notre-Dame fut le vendredi saint. Et l’on dit, quand elle échoit le jour dudit vendredi, qu’il y a pardon général de peine et de coulpe (péché) au Puy. Il y fut tant de monde et de peuple que merveille. Et y eut bien deux cents personnes mortes et esteintes. » Ainsi, la poussée de la foule fut telle que plusieurs centaines d’individus furent étouffés dans la presse. Un chiffre de victimes aussi considérable montre mieux encore que l’affirmation du chroniqueur combien fut énorme le concours des pèlerins attirés au Puy par le grand vendredi de l’année 1407. La même affluence se reproduisit en 1418. Le vendredi saint 25 mars de cette année, jour de la fête de l’Annonciation, malgré les mesures de précaution prises à l’avance par Hélie de l’Estrange, évêque du Puy, malgré une prorogation d’indulgences jusqu’au troisième jour après Pâques, octroyée dans un intérêt d’humanité par le pape Martin V, trente-trois personnes furent encore écrasées. Selon toute apparence, la reproduction pour ainsi dire périodique de ces horribles accidens ne tenait pas seulement à la trop grande affluence des pèlerins ; il faut aussi faire entrer en ligne de compte l’ardeur désordonnée que ces mêmes pèlerins mettaient à pénétrer dans le sanctuaire le jour du grand vendredi, ardeur qui allait parfois jusqu’à une sorte de frénésie pieuse.

Il se passa au Puy, en 1420, une cérémonie qui eut pour effet de rattacher par un lien étroit la patronne de cette ville aux destinées de la royauté française. Vers le milieu du mois de mai de cette année, au moment même où Henri V et Isabeau de Bavière mettaient la dernière main au fameux traité de Troyes, le dauphin Charles revenait d’une heureuse expédition dans le Midi, où il avait fait