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Passion et de l’Annonciation de la Vierge, tels étaient les signes pour ainsi dire caractéristiques auxquels on pouvait reconnaître les adeptes laïques du tiers ordre franciscain pendant les premières années du règne de Charles VII. Quant au costume, les tierçaires non cloîtrés devaient être vêtus de noir ou de gris, et l’on imposait aux femmes l’obligation de se faire couper les cheveux en rond jusqu’à la hauteur des tempes. On sait que le culte rendu aux emblèmes représentant le nom de Jésus était une innovation dont les frères mineurs de l’observance avaient donné les premiers l’exemple ; nous avons montré l’origine de cette innovation en Italie dans les prédications de Bernardin de Sienne et de Jean Capistran, en France, dans les missions de frère Richard et la propagande monastique de Colette de Corbie. Si la Salutation angélique était la prière que les personnes affiliées à l’ordre séraphique affectionnaient le plus, cela tient à ce que les plus grands saints et saintes de cet ordre avaient montré une préférence marquée pour cette prière ; et nous rappellerons qu’une des plus illustres tierçaires françaises du commencement du XVe siècle, la bienheureuse Marie de Maillé, passait ses journées à la réciter. La Passion était devenue la fête franciscaine par excellence depuis le jour où saint François avait reçu dans sa chair et dans ses membres les stigmates des tortures endurées par Jésus sur le Calvaire. Les cordeliers ou observantins avaient aussi une vénération particulière pour la solennité de l’Annonciation de la Vierge. Dès 1368, Paulet de Foligno, leur fondateur, avait inauguré sa réforme en bâtissant sur le Mont Cesi une petite église en l’honneur de l’Annonciation. Il subsiste encore aujourd’hui un curieux vestige de la vogue insigne de cette fête à l’époque de Jeanne d’Arc, et ce vestige, c’est l’ordre italien de l’Annonciade fondé le 7 novembre 1434 par Amédée VIII, duc de Savoie, l’un des fils spirituels de Colette de Corbie.

Ces détails, empruntés à l’histoire liturgique et monastique, étaient nécessaires pour faire comprendre l’importance de plus en plus grande que les fidèles furent amenés à attacher, notamment dans les pays où dominait l’influence de l’ordre séraphique, à la coïncidence du vendredi saint, anniversaire du supplice de Jésus, avec l’Annonciation. « Le même jour, écrivait naguère à ce sujet un savant ecclésiastique, l’église avait à célébrer dans ces deux grands souvenirs le commencement de l’œuvre de la rédemption dans le sein virginal de Marie et la consommation de cette œuvre de salut pour le monde sur la croix du Calvaire. C’est sous l’empire de cette religieuse pensée que les papes, à une époque très reculée, immémoriale même, accordèrent à l’église Notre-Dame du Puy en Velay un grand jubilé chaque fois que le vendredi saint tomberait le