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l’élection comme une approbation de la politique économique et financière qu’il pratique depuis qu’il est au pouvoir. Aussi, dans son message du 2 décembre 1880, qui sera le dernier, M. Hayes a-t-il de nouveau recommandé au congrès tous les projets financiers qui avaient échoué dans la dernière session devant l’opposition des démocrates. Cette fois, un meilleur accueil leur a été fait, et le congrès ne se séparera pas, le 4 mars prochain, sans que la conversion des rentes soit assurée par l’autorisation d’un emprunt facultatif en 3 et 3 1/2 pour 100. M. Garfield suivra-t-il exactement les erremens de M. Hayes ? C’est ce qu’il est impossible de savoir : le futur président garde un silence prudent, et il ne fera connaître son programme de gouvernement que dans son discours d’inauguration. On peut prévoir, cependant, une certaine modification dans la politique américaine. M. Evarts, qui a conduit les relations extérieures avec infiniment de prudence et de modération, et dont l’esprit conciliant a prévenu ou dénoué bien des complications, ne paraît pas devoir être maintenu à la secrétairerie d’état. Ce poste aurait été promis à M. Blaine en récompense de l’activité qu’il a déployée dans la campagne présidentielle. M Blaine est d’un tempérament ardent ; il a pris en main dans les deux dernières sessions le différend qui existe depuis longtemps entre les pêcheurs américains et les autorités canadiennes, et il a essayé de remettre en question le compromis par lequel on s’est efforcé de terminer le litige. Une motion qu’il a soumise tout récemment au sénat donne lieu de craindre que, s’il tient comme secrétaire d’état le même langage que comme sénateur du Maine, les relations de l’Angleterre avec les États-Unis ne subissent bientôt un refroidissement marqué. Un bill qu’il a présenté pour encourager par un système de primes la marine américaine et pour soumettre à des droits élevés les navires construits à l’étranger est de nature à faire penser que le régime de la protection jouira sous l’administration de M. Garfield d’une faveur encore plus grande que sous celle de M. Hayes. Peut-être cette exagération même deviendra-t-elle une cause de divisions au sein du parti républicain, en mettant aux prises les états industriels, qui profitent de l’élévation des droits de douane, et les états agricoles de l’Ouest, qui appréhendent qu’on ne provoque des représailles et qu’on ne compromette leurs relations commerciales avec l’Europe.


CUCHEVAL-CLARIGNY.