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commérages, des forfanteries, des intrigues de subalternes, des délations intéressées, — pas une présomption à demi sérieuse. Tout s’est évanoui à la première explication, devant la plus simple question posée à tous ces témoins, dont les dépositions ne sont pas même curieuses comme spécimen de scandale. De ce laborieux et artificieux tissu de diffamations, de calomnies, d’outrages, auquel ont travaillé tant de journaux, même des députés, il n’est rien resté, et la commission, allant jusqu’au bout, n’a point hésité à déposer son opinion dans un rapport aussi net que décisif. Le président de la commission, M. Philippoteaux, s’est fait un devoir de porter à la tribune l’expression chaleureuse et résolue de la conviction de ses collègues.

Non sans doute, il ne reste rien qui puisse ternir l’honneur de M. le général de Cissey. La commission a rendu son « verdict » honnêtement comme elle le devait après de longues recherches; mais c’est là précisément, jusque dans ce « verdict, » que se dévoile ce qu’il y avait d’équivoque et de dangereux dans cette enquête née d’une idée fausse, d’une interprétation abusive du droit parlementaire. La commission, jugeant comme un jury, résume ses conclusions sous une forme singulière : « — Sur la première question : Le général de Cissey est-il directement ou indirectement coupable de trahison? la commission, à l’unanimité, a répondu négativement... » Sur l’accusation de concussion, la réponse est également négative et unanime. Fort bien ! la réponse est claire et met définitivement hors de cause un vaillant homme. Qu’est-ce à dire cependant? Est-ce que la commission, au lieu de déclarer que « l’accusé n’est pas coupable, » aurait pu répondre autrement et dire : « Oui, l’accusé est coupable! » D’où aurait-elle tiré ce droit? à quel titre aurait-elle pu se considérer comme un tribunal remplissant un rôle judiciaire? C’est évidemment la suite de cette confusion de pouvoirs qui a présidé à la naissance de l’enquête, qui n’a pas de conséquences graves aujourd’hui, mais qui aurait pu et pourrait encore conduire à de véritables conflits dans d’autres circonstances. Ce n’est pas tout : la sanction de l’enquête pour M. de Cissey est, si l’on veut, dans le « verdict » de la commission; quelle est la sanction à l’égard de ceux qui Font accusé et diffamé? La commission ne le dit pas, elle n’a pas sans doute le droit de le dire ; elle se contente de traiter les dénonciateurs comme des plaignans déboutés. Ainsi, pendant des mois, des déclamateurs passionnés auront pu couvrir un vieux soldat de calomnies et d’outrages ! Sous prétexte qu’ils n’étaient pas libres de produire leurs preuves devant un tribunal ordinaire, ils auront pu mettre en mouvement le pouvoir parlementaire! Ils auront fait appel à toutes les délations, à toutes les animosités, et, lorsque de leur acte d’accusation il ne reste plus rien, ils en sont quittes pour se retirer avec fierté dans la satisfaction de l’œuvre patriotique accomplie! C’est là, en vérité, un étrange résultat de l’enquête. La commission n’aurait peut-être fait que compléter