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D’un brusque mouvement, son œil interrogea
L’horloge aux poids de plomb pendue à la muraille :
« Qui sait? »

Et l’ouragan, dans un bruit de mitraille,
Vint s’abattre en râlant sur le toit ébranlé.
Elle pâlit plus fort; moi-même je tremblai.

Une heure se passa, terrible; une autre encore :
Personne!

Autour de nous la grande voix sonore
De l’orage en fureur ne cessait de tonner.

« Un semblable retard ne doit point étonner,
Dis-je à la pauvre femme ; après tout, la tempête
Terrible comme elle est, en chemin les arrête;
Puis, un verre de vin offert au cabaret...

Avant de me revoir?.. Jamais il ne pourrait I »

Et, sans un mot de plus, elle demeura, sombre.
Aux carreaux ruisselans cherchant à percer l’ombre.

Tout à coup, au dehors, on frappa rudement :
« Lui ! dit-elle, c’est lui ! »

Mais dans l’encadrement
De la porte, apparut la taille maigre et haute
Du père Jean, le vieux douanier de la côte.
Tout inondé de pluie et le fusil baissé.

« Et Pierre? » dit Gervaise.

Alors, embarrassé.
Le douanier, debout sur le seuil de la porte :

— « Votre homme?.. Il va venir... La marée est très forte,
Et cause son retard et celui des amis... »
Puis s’avançant vers moi : « Le facteur m’a remis
Une lettre pour vous, » me dit-il à voix basse.

Mais tandis qu’aux carreaux Gervaise, triste et lasse,
Allait se replacer pour regarder au loin.
Le brave douanier m’attirant dans un coin
Comme pour me donner une lettre :

« A la plage.
Trois bateaux sont brisés : plus rien de l’équipage