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pouvait n’avoir pas une longue durée. Ici comme ailleurs, la force a primé le droit, et puisque cette odieuse maxime semble devoir triompher sous toutes les latitudes, les peuples bien avisés ne doivent plus hésiter, coûte que coûte, à se tenir à la hauteur des autres peuples. Mais qu’ils se gardent de la dépasser pour ne pas être, comme eux, tentés de se jeter dans de périlleuses aventures sans gloire et sans résultat durable.

En attendant le jour de la revanche, la Chine, paraît-il, songerait à utiliser les forces qu’elle a mises sur pied en déclarant la guerre au Japon. Les prétextes ne lui manquent pas, et les premiers qu’elle mettra en avant seront ceux de l’expédition de Formose et de l’occupation récente des îles Liou-Chou. Les Chinois gagneraient cependant peu de chose, selon nous, à se brouiller avec le Japon. Ils y trouveraient peut-être l’occasion de relever par les armes un prestige qui leur manque, le prestige militaire, mais ce serait tout.

L’usage que la Russie veut faire des bâtimens de guerre qu’elle a actuellement dans l’extrême Orient est autrement utile que ce que veut entreprendre la Chine, et cela lui vaudra assurément la reconnaissance de l’Europe et des États-Unis. On assure qu’elle désire s’emparer de la Corée, pays absolument barbare, fermé au commerce, à la civilisation, où l’on ne peut aborder, à la suite d’un typhon, d’un naufrage, ou pour renouveler les provisions d’eau douce, sans s’exposer à un massacre. Que la Russie mette ce projet à exécution, qu’elle y réussisse, — cela ne fait aucun doute, la Russie le voulant, — et nous applaudirons avec toutes les nations civilisées. Il est temps, en effet, que la Corée reçoive d’une main vigoureuse le châtiment dû à ses outrages et à ses crimes. En se chargeant de l’appliquer, la Russie est certaine d’atténuer l’impression qu’a produite sur les esprits impartiaux la manière dont elle avait voulu restituer, tout d’abord, le Kouldja aux infortunés disciples de Confucius.


EDMOND PLANCHUT.