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commence à se répandre dans l’Ohio et l’Indiana et qu’elle a jeté de profondes racines dans le New-Jersey, le Connecticut et le Massachusetts. Ils avaient surtout perdu de vue la connexité d’intérêts qui existe entre l’industrie et le commerce. Les usines et les charbonnages de la Pensylvanie ne sont pas seulement obligés d’avoir des agences à New-York ; l’escompte de leur papier et la spéculation sur leurs titres sont un aliment pour la haute banque, leurs transports sont un élément considérable de trafic pour les compagnies de chemins de fer. Tous ces intérêts divers se crurent menacés à la fois par l’attaque dirigée contre l’industrie nationale et se coalisèrent instinctivement pour la défense commune. Une association puissante, la Ligue industrielle, constituée spécialement pour soutenir le système protecteur, se déclara en faveur de la candidature de M. Garfield. Usiniers et fabricans s’adressèrent ensuite à leurs ouvriers et entreprirent, non sans succès, de leur démontrer que leurs intérêts étaient identiques à ceux de leurs patrons, parce que la réforme du tarif entraînerait la fermeture d’un grand nombre d’établissemens et une baisse générale des salaires. Sous l’influence de cette propagande, l’Union nationale des travailleurs, qui représentait dix-sept des associations ouvrières les plus nombreuses, adopta M. Garfield pour son candidat, désertant ainsi le parti des inflationnistes, dont elle faisait la principale force. Une demeura sous les drapeaux des inflationnistes que les partisans extrêmes du papier-monnaie, qu’un peu d’argent, habilement distribué, empêcha de se fondre dans les rangs des démocrates et d’apporter à ceux-ci le contingent de leurs voix.

L’argent ne manquait plus, en effet, au parti républicain depuis que la grande industrie et la haute banque avaient cru devoir épouser la cause de M. Garfield. Une nuée d’agens électoraux, bien pourvus du nerf de la guerre, se dissémina sur tout le territoire ; les moindres villages furent inondés de journaux, de brochures et d’affiches. Le résultat en fut bientôt apparent ; dans les premiers jours d’octobre, l’Ohio donna aux républicains l’énorme majorité de 40,000 voix, et, le 12 octobre, l’Indiana, qui avait son gouverneur à élire, donna au candidat républicain, M. Porter, une pluralité de 5,000 voix sur le candidat des démocrates. Ce résultat ne laissait pas de doute sur la façon dont l’Indiana voterait le 2 novembre.

Les meneurs du parti démocratique mesurèrent alors l’étendue de la faute qu’ils avaient commise. Une lettre du général Hancock, portant la date du 12 octobre, mais évidemment écrite après l’élection de l’Indiana, parut dans tous les journaux du parti pour expliquer ou plutôt pour désavouer la fameuse formule du tarif