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de Talki ; l’autre, débutant par Karasbaar, Korla, Koucha, Ak-Su et se terminant à Kashgar. Cette dernière route suit une série d’oasis fertiles qui se déploient successivement au pied des Monts-Célestes. Enfin, le Kouldja est encore relié à la grande route postale de la Sibérie, et, par conséquent, à toutes les possessions que les Russes ont dans le Turkestan, par la belle vallée du Barohudzir et le col d’Altyn-Imel. Cette route est parfaitement praticable pour les voitures ; elle offre seulement quelques difficultés au passage des cours d’eau et dans quelques parties fangeuses ou sablonneuse. comme celles que l’on rencontre aux approches de la rivière Ussek. La description des innombrables petits lacets qui se déroulent sur les flancs des montagnes dont le Kouldja est entouré ne serait pas ici à sa place. Ceux que ces détails pourraient intéresser feront bien de lire le beau livre du colonel russe Kouropatkin, intitulé la Kashgarie.

La fertilité du district de Kouldja doit faire supposer qu’on y trouve à chaque pas des villes florissantes et populeuses. Florissantes et populeuses, en effet, elles étaient autrefois ! Aujourd’hui, la vue est partout attristée par le spectacle de maisons incendiées, de villages abandonnés, de tertres nombreux témoignant de la cruauté des vainqueurs ou du désespoir des vaincus.

De tout cela il ne reste que cinq villes : Kouldja, Tarji, Crim-cha-ho-dsi et la cité entièrement chinoise de Lu-Tsu-gun, Il y a deux localités du nom de Kouldja, placées seulement à cinq ou six lieues l’une de l’autre. La première, le Kouldja des Mantchous, comptait jadis soixante-quinze mille habitans ; son commerce sous la domination chinoise était considérable ; aujourd’hui, il n’y a plus de commerce par la bonne raison qu’il n’y a plus un seul habitant. La seconde est le Kouldja des Taranchis, servant en ce moment de résidence aux troupes de l’armée russe d’occupation. Cette ville est un fouillis de ruelles et de rues qui s’entre-croisent sans alignement ; elle est entourée de murailles en terre flanquées de portes en briques où aime à s’assembler une population curieuse à regarder en raison de la variété des types et des races. Il s’y trouve une citadelle dont les murailles, en terre également, ont jusqu’à 30 pieds de hauteur avec une épaisseur proportionnée. On y entre par quatre portes défendues à l’extérieur par quelques ouvrages. Au centre de la citadelle s’élèvent une belle mosquée et quelques bâtimens qui servent d’écoles. Au dehors, et à l’est, on rencontre une large place, décorée d’arbres et que bordent des maisons occupées par des marchands russes et tartares. Ils y font un assez fort commerce de tabac et d’objets manufacturés. Tout auprès se trouvent les échoppes des Sartes et quelques misérables huttes dans lesquelles