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peut aimer sa mère et il n’en a pas vu tous les défauts ou, quand il les a vus, ce n’est qu’avec d’infinies précautions et toutes sortes de détours qu’il s’est hasardé à en parler. Toutefois son livre est bien moins un traité dogmatique, une théorie de l’éducation qu’un exposé des méthodes et des pratiques en usage dans les collèges au commencement du XVIIIe siècle. C’est l’enseignement secondaire à cette époque pris sur le fait et pour ainsi dire photographié. Rollin songeait moins, — on l’a très bien dit, — « à proposer des nouveautés et des réformes qu’à être le rapporteur de ce qui se faisait dans l’université. »

Or que dit ce rapport ? quel tableau nous présente-t-il et quel enseignement s’en dégage ? Sans doute, il y a des parties faibles, de lacunes et des omissions regrettables dans le Traité des études. Pendant que certains exercices qui, par parenthèse, n’ont vu leur importance diminuer que de nos jours, y occupent une place exagérée, des branches entières de connaissances et des plus indispensables, l’histoire moderne, la géographie, les langues vivantes, les sciences mathématiques et physiques n’y figurent pas ou sont reléguées au dernier plan. Rollin, bien que descendant en droite ligne de Port-Royal, était trop imbu de l’esprit et des traditions universitaires pour ne pas tout subordonner à la langue classique par excellence. Mais, à côté de ces défauts, que de conseils précieux, de vues fortes et élevées ! Avec quelle sûreté de main et quel bonheur d’expressions il trace les règles d’une bonne discipline et marque le but des humanités ! Où philosophes et parlementaires ne voient que du temps perdu, de stériles efforts, un amas confus de connaissances inutiles acquises au détriment des positives, Rollin nous montre le goût qui s’épure, la raison qui mûrit, l’honnête homme qui se forme peu à peu. Loin de blâmer cette lente progression des études classiques qui était déjà de son temps le grand argument des adversaires des universités, il y trouve, au contraire, leur premier et leur plus solide mérite. Passer huit à dix années dans le commerce des plus beaux génies, « se familiariser avec ces hommes immortels qui sont sans aucun doute les meilleurs des maîtres, se nourrir par une lecture assidue de leurs ouvrages, » quelle salutaire incubation pour de jeunes esprits ! Où puiser plus sûrement qu’à pareille école le goût des belles et grandes choses et l’amour du bien ? Personne n’a mieux saisi ni placé dans une aussi vive lumière ce côté vraiment supérieur de l’éducation classique. Les lettres ont pu trouver de plus éloquens panégyristes ; aucun n’a marqué avec autant de force leur vertu morale et sociale. Il est vrai qu’ici Rollin emprunte le secours de la foi et qu’il est singulièrement soutenu par elle ; aux leçons de l’antiquité païenne