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Tels étaient le langage et les sentimens communs au jansénisme et à la philosophie du XVIIIe siècle, à l’auteur de la Religieuse et des Bijoux indiscrets et au vertueux Rolland, et telles sont encore aujourd’hui les grandes autorités dont on se sert pour maintenir la tradition de la décadence des études classiques à la fin de l’ancien régime. Mais que pèsent toutes ces déclamations intéressées devant les faits ? Oui ou non, le XVIIe et le XVIIIe siècle ont-ils été nos deux plus grands siècles littéraires ? oui ou non, ces deux siècles ont-ils vu s’épanouir dans tous les genres, philosophie, éloquence, histoire, poésie, les plus fortes et les plus nombreuses générations qui aient jamais été ? Si oui, d’où sortaient donc ces écrivains, à quelles écoles s’était formé leur esprit, et quels avaient été leurs instituteurs ? D’où venait aussi, je vous prie, cette société si parfaitement polie, qui donnait le ton à toute l’Europe et dont l’empire incontesté n’avait pour ainsi dire pas de frontières ? Qui avait élevé toute cette noblesse de plume depuis Reiz et La Rochefoucauld jusqu’à Saint-Simon et Montesquieu, ce clergé sans doute un peu léger, mais si français, cette bourgeoisie, si peu bourgeoise, où la moyenne des esprits était déjà presque une élite et qui entretenait sur tant de points à la fois, ce culte des choses de l’intelligence, ces traditions d’élégance et de bon goût, ce respect de la langue qu’on retrouve à un si haut degré dans toutes les œuvres de ce temps, depuis les plus fugitives jusqu’aux plus solides, depuis les moindres mémoires et correspondances jusqu’à ces admirables travaux d’érudition qui sont encore aujourd’hui des modèles de style et de critique ? Gothique tant qu’on voudra, un régime qui a donné de tels fruits avait du bon, une cause qui produit de si merveilleux effets n’est pas une cause condamnée. Libre à l’Allemand Grimm de biffer d’un trait de plume Descartes et Pascal, Corneille et Molière, Voltaire et Rousseau, tout le génie, toute la culture française, et d’immoler cette gloire, cet éclat, cette perfection à son idole germanique ; nier que le système d’éducation contemporain de cette immortelle pléiade eût du mérite, c’est nier le soleil. En fait d’argument, dans ce procès les œuvres valent bien les critiques, et puisqu’on y a fait comparaître tant de témoins à charge, c’est bien le moins que les autres y soient appelés, qu’après Grimm on entende aussi Britannicus et Polyeucte.

Un homme qui devrait également figurer dans la cause et dont la parole mérite à coup sûr autant de crédit que celle d’un Diderot ou d’un La Chalotais, c’est le bon Rollin. L’auteur du Traité des études est bien aussi, dans une certaine mesure, sujet à caution. Si les parlementaires et les philosophes étaient passionnés contre l’université, il était, lui, passionné pour elle ; il l’aimait comme un fils