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Passons maintenant aux parlementaires.

D’après La Chatolais, l’enseignement « se ressent partout de la barbarie des siècles passés, où l’on ne faisait étudier que ceux qui se destinaient à la cléricature. » Il se réduit encore à l’étude de la langue latine. On n’acquiert dans la plupart des collèges aucune connaissance du français ; on n’y apprend « qu’une philosophie abstraite qui ne peut être d’aucun usage dans le cours de la vie, qui ne renferme ni les principes de morale nécessaires pour se bien conduire dans la société, ni rien de ce qu’il importe de savoir étant homme. »

… La jeunesse « est intéressée à oublier en entrant dans le monde presque tout ce que ses prétendus instituteurs lui ont appris. » Sur mille étudians qui font leurs humanités, à peine en trouverait-on dix qui fussent en état « d’exposer clairement et avec méthode les premiers élémens de la religion, d’écrire une lettre, de discerner une bonne raison d’une mauvaise, un fait prouvé de celui qui ne l’est pas. »

Les Grecs et les Romains, « plus sages et plus vigilans que nous sur un objet aussi important que l’éducation, » s’étaient bien gardés « de l’abandonner à des hommes qui eussent des vues et des intérêts différens de ceux de la patrie ; elle était dirigée par des législateurs ou par des philosophes capables de l’être. » Elle était « nationale, » c’est-à-dire « relative à la constitution et aux lois ; elle tenait aux mœurs, tandis que chez nous, la jeunesse, après avoir essuyé toutes les fatigues et les ennuis des collèges, se trouve dans la nécessité d’apprendre en quoi consistent les devoirs communs à tous les hommes » et manque absolument « d’instruction sur les vertus morales et politiques. »

D’après Guyton de Morveau, il semblerait « qu’à la manière dont on élève tous les enfans, indifféremment, » l’éducation des collèges n’ait « d’autre méthode que celle qui conduit à faire des prêtres et des théologiens. » Le latin et le grec, une rhétorique qui n’est propre « qu’à dépraver le goût et à rendre l’esprit faux, » un cours de philosophie où, dans l’espace de deux années, « on n’apprend que des choses sèches et rebutantes, » voilà à quoi « se réduit cette méthode. »

Citons enfin, pour clore une énumération qui finirait par devenir fastidieuse, cette appréciation du président Rolland : « Je ne crains pas d’avancer que, dans les collèges, le plus grand nombre des jeunes gens perdent le temps qu’ils y passent, les uns pour avoir appris ce qu’il leur était inutile et quelquefois nuisible de savoir, les autres pour n’avoir pas été instruits de ce qu’il leur aurait été essentiel d’apprendre. »