Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivi les instructions qui lui avaient été envoyées, enfin qu’il n’avait pas un seul instant perdu la confiance de ses chefs hiérarchiques. C’est ainsi que les manœuvres employées pour lui nuire tournaient l’une après l’autre à son avantage.

Les démocrates se crurent assurés du succès, et l’excès de la confiance leur fit commettre imprudence sur imprudence. On vit sortir de leur retraite quelques-uns des anciens chefs des confédérés, qui parurent dans des réunions publiques et y parlèrent comme si le triomphe du général Hancock devait être pour eux et pour leurs amis le signal de la revanche. M. Toombs, de la Géorgie, qui avait été autrefois l’un des promoteurs les plus ardens de la rébellion, prononça un discours dont les feuilles républicaines s’emparèrent pour soutenir que le Sud se proposait de tout remettre en question. Les journaux du Sud distribuaient à l’avance les dépouilles des vaincus, ils dressaient des listes de candidats pour les ministères et les principaux emplois fédéraux; d’autres élaboraient le programme des mesures réparatrices dont on devait demander le vote au prochain congrès. Pendant que les démocrates fournissaient ainsi des armes contre eux-mêmes, l’inquiétude déterminait les républicains à une action énergique. Convaincus que la défaite de M. Garfield leur enlèverait leur position, les fonctionnaires fédéraux de tout ordre se mirent à l’œuvre avec une activité sans égale: au nombre de plus de cent mille et répandus dans toutes les classes de la population, ils étaient un élément de force considérable. On avait facilement apaisé M. Blaine, dont le siège sénatorial, dans le Maine, était menacé par le perspective d’une coalition entre les démocrates et les greenbackers, on circonvint les principaux amis du général Grant, on lui fit écrire par quelques-uns d’entre eux et on obtint qu’il adressât au sénateur Logan une lettre par laquelle il se déclarait favorable à la candidature de M. Garfield. Une réunion, composée de deux cent cinquante des notabilités du parti républicain, eut lieu à New-York, dans les premiers jours d’août, pour arrêter le plan de la campagne électorale et se distribuer les rôles; elle était composée de représentans de tous les états. Appelé tout exprès à New-York, M. Garfield se tenait dans une pièce voisine de la salle des délibérations, où il n’aurait pu se montrer sans que ses paroles, son attitude, ses moindres gestes fussent l’objet de commentaires de la part des journaux. La réunion reconnut que le parti perdrait son argent et ses peines en engageant la lutte dans les états du Sud; elle décida qu’il fallait y laisser le champ libre aux démocrates et concentrer tous les sacrifices et tous les efforts sur les états douteux. Les seize états du Sud et du Sud-Ouest ne pouvaient donner aux démocrates que 138 suffrages.