Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/882

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans que cette victoire de l’esprit laïque sur l’épiscopat rencontrât de résistance, tant il est vrai que l’heure était venue. Le fait a été observé dans plusieurs provinces ; avec le temps il se serait certainement généralisé. Et l’on devine bien quels en eussent été les résultats très prochains. Un écrivain du XVIIIe siècle, dont on a quelquefois invoqué le témoignage, a dit des maîtres d’école de son temps que « lire, écrire sans principes et faire tant bien que mal les premières règles de l’arithmétique était toute leur science. » Il ajoutait plaisamment : « C’est un jeune homme qui sort de l’école, qui craint le sort de la milice, qui a été enfant de chœur dans son village, qui sait lire jusqu’à trouver l’office du jour dans un livre d’église, qui chante au lutrin, qui écrit quoique machinalement et sans principes, qui fait tant bien que mal les premières règles de l’arithmétique. Voilà toute la science de l’instituteur que l’on donne à la jeunesse. Il se présente, il fait éclater une voix qui approche de celle de Stentor, on le croit habile, il est reçu avec applaudissement. M. le magister se pavane dans l’église avec une chape sur le corps ; peu s’en faut qu’il ne veuille faire la loi au curé de la paroisse. »

L’abbé Courtalon, curé de Sainte-Savine, à Troyes, — car cette citation est de lui, — n’aurait certainement pas tenu ce langage si l’initiative prise par quelques administrateurs intelligens dans certaines provinces avait eu beaucoup d’imitateurs ; car le premier soin de l’état, en mettant la main sur les écoles, eût été d’en assurer le recrutement au moyen de ces maisons d’institution[1] dont l’idée commençait à se répandre et que la révolution devait un jour reprendre sans réussir à l’appliquer.


II.

L’histoire des établissemens d’enseignement secondaire et supérieur avant 1789 n’est plus à faire. Du Boulay, M. Taranne, M. Vallet de Viriville, M. Jourdain, pour ne citer que les travaux les plus complets et les plus importans sur la matière, l’ont écrite, le dernier surtout, avec une ampleur et une autorité qui ne sauraient être égalées. Aussi glisserons-nous légèrement sur toute la partie de cette étude relative au nombre et à la population des collèges et des universités, à leur régime, à leur personnel, et nous attacherons-nous

  1. L’abbé Courtalon lui-même avait eu cette idée. Il aurait voulu « qu’il y eût dans chaque ville épiscopale une maison d’institution où tous ceux qui se destinaient à une maîtrise d’école seraient obligés de passer un certain temps pour y apprendre les choses nécessaires à leur état. »