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déclarations, à des ordres du jour proclamant des « pactes fraternels avec tous les peuples ; » mais si le danger avait été écarté dans les premiers mois, il reparaissait bientôt par la fatalité des événemens au-delà des Alpes, avec la proclamation de la république à Rome à la fin de 1848, et la défaite définitive du Piémont à Novare au mois de mars 1849. L’Italie, un instant heureuse dans sa guerre d’indépendance de l’été de 1848, était la victime, d’abord de la démagogie qui avait tout perdu à Turin comme à Florence et à Rome, puis de la réaction qui se réveillait partout. La question était maintenant de savoir si la France de février, après s’être abstenue à une heure plus favorable, pouvait reprendre l’œuvre de « l’affranchissement de l’Italie, » au moment où tout avait changé de face, où la Russie intervenait pour l’Autriche en Hongrie, où les impériaux venaient de reconquérir leur ascendant en Lombardie par la victoire de Novare et où l’Italie elle-même se sentait pour longtemps vaincue.

L’occasion avait fui, on ne pouvait plus rien pour l’indépendance de l’Italie sans risquer une guerre universelle, et là aussi, aux agitateurs qui ne reculaient pas devant cette guerre, M. Thiers adressait ces vives apostrophes : « Quand il s’agissait du socialisme, j’ai dit aux socialistes : Apportez vos systèmes ! Je dirai maintenant aux défenseurs de l’Italie qui ont la prétention de l’aimer seuls: Quel est votre moyen?.. Vous voulez l’affranchissement de l’Italie! Qu’entendez-vous par l’affranchissement de l’Italie?.. Vous voulez, parlez sincèrement, que la Lombardie et la Vénétie soient indépendantes, c’est-à-dire arrachées à l’Autriche?.. Eh bien! y a-t-il ici quelqu’un qui ait imaginé dans son intelligence un moyen diplomatique d’arracher la Lombardie et la Vénétie à l’Autriche? Il n’y a qu’un moyen, c’est la force... La force ! une armée en Italie, deux armées, trois armées, et une sur le Rhin ! — La guerre!.. L’intérêt pour lequel on la demande est-il suffisant? Dans les circonstances qui pourraient la justifier, est-on en mesure de la faire? » Et lorsque peu de jours après, prenant prétexte de ces événemens et de l’envoi d’une expédition française à Rome en faveur du pape, les agitateurs allaient jusqu’à menacer d’une insurrection dans l’intérêt de la république romaine et de la guerre révolutionnaire, M. Thiers revenait impétueusement à la charge en s’écriant : « La question d’ordre est posée partout, et c’est vous qui l’avez posée partout. Eh bien ! la civilisation européenne qui est contenue dans l’ordre aujourd’hui ne reculera pas devant la démagogie qui est à Rome. Non, elle ne reculera pas! Non, elle ne reculera pas! » Pour cet intrépide et étincelant esprit il ne s’agissait plus de discuter sur les traités de 1815, sur l’indépendance de l’Italie; il s’agissait de choisir