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PINDARE.

rappellent en rien Pindare. Malgré quelques vers nerveux et rapides, l’ensemble paraît monotone et languissant. Ce qu’en général on goûte le plus aujourd’hui, ce sont des passages gracieux, dont la mignardise s’inspire de la poésie anacréontique, et relie ces odes à hautes prétentions à ces jolies pièces du même poète où la nouvelle école avait moins imprimé sa marque.

Cependant, dans cette ivresse un peu aveugle de la renaissance, tout n’était pas illusion ; ce ne fut pas tout à fait en vain que le chef de la pléiade crut sentir le souffle de Pindare. On ne peut lui refuser l’honneur d’une conception plus haute de la poésie ; il poursuivit une idée de richesse et de magnificence ; il rechercha une élévation de ton et une plénitude de nombre que son détracteur, Malherbe, n’aurait sans doute pas connue, s’il ne lui en avait transmis le sentiment et l’exemple. Il y a d’ailleurs chez lui à distinguer de la pratique la théorie, qui vint après et fut supérieure. Il s’y trompa encore sur plusieurs points ; mais il y souleva des questions importantes, et peut-être eut-il le sens de certaines solutions. Avait-il tort de demander, pour cette poésie plus grande qu’il avait l’ambition d’inaugurer, une langue plus riche que celle de Marot, et de chercher à en accroître les ressources en choisissant dans le fond vivant du langage parlé ? Sa doctrine sur les épithètes signifians préférables aux épithètes de nature est juste. Quelques autres traits de sa poétique sont encore à relever. Il conseille, dans l’agencement des vers lyriques d’une même pièce, une variété de mesure déterminée par le choix de l’oreille et par la nature de la musique, qu’il ne voudrait pas séparer de la poésie : cette variété, qu’on ne trouve pas dans ses odes pindariques et qu’il n’a introduite qu’assez timidement dans d’autres pièces, c’était la seule forme sous laquelle il fût possible de faire passer chez nous quelque chose des rythmes expressifs de Pindare. Tout n’est pas dit encore à cet égard avec la cantate et l’opéra. Il en est de même pour l’alliance de la musique et de la poésie. Si Ronsard ne semble pas avoir fait beaucoup pour la réaliser lui-même heureusement, du moins faut-il reconnaître que cet imitateur si infidèle de l’antiquité l’avait étudiée avec assez d’intelligence et de soin pour constater la puissance expressive de la musique grecque avec ses modes et ses genres. Ce trait marque bien ce mélange d’enthousiasme et d’érudition qui caractérise la renaissance.

Dans notre siècle, personne assurément n’a jamais eu l’intention de pindariser. Si par impossible il était arrivé à nos grands lyriques de songer à Pindare, ç’aurait été sans doute pour s’applaudir de n’avoir rien de commun avec les pindarisans du siècle dernier. Indiquons cependant, sans prétendre d’ailleurs les juger encore une fois, certaines analogies qui les rapprochent du lyrisme grec. La