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courant irrésistible portât de nouveau celui-ci à la présidence, et, désespérant de voir naître une candidature qui pût faire échec à la sienne, un certain nombre de républicains influens firent une démarche auprès de M. Hayes pour lui demander de se mettre sur les rangs. Le président refusa, se considérant comme lié par les déclarations qu’il avait faites en 1876. « Il serait, répondit-il, d’un trop mauvais exemple que le premier magistrat du pays manquât à un engagement solennel. » Si aucun des candidats qui étaient déjà sur les rangs ne leur paraissait avoir des chances suffisantes de succès, il y avait deux hommes honorables, M. Edmunds, du Connecticut, et M. Washburne, l’ancien ministre des États-Unis à Paris, qui étaient dignes du choix populaire. M. Hayes congédia donc la députation en exprimant l’espérance que, si le général Grant n’était pas choisi au premier tour, un de ces deux candidats ou quelque autre citoyen honorable pourrait réunir les suffrages des républicains.

Cet espoir était bien vague et ne semblait point pouvoir se réaliser. La majorité absolue, au sein de la convention de Chicago, était de 370 voix, et environ 400 délégués semblaient acquis à la candidature du général. Le scrutin ne serait donc guère qu’une affaire de forme : tout serait décidé dès la première épreuve. On avait compté sans l’habileté des politiciens de profession et sans l’art merveilleux avec lequel ils savent manœuvrer dans les élections. Le candidat qui entre en lice avec les chances les plus grandes voit invariablement une coalition se former contre lui entre tous ses compétiteurs. Ceux du général Grant étaient au nombre de cinq : M. Blaine, M. Sherman, le juge Edmunds, M. Window et M. Washburne. Ces trois derniers ne pouvaient faire fond que sur les voix de l’état auquel ils appartiennent. Il arrive toujours, en effet, que quelques états, comptant parmi leurs concitoyens quelque homme considérable, donnent pour instruction à leurs délégués de poser sa candidature et de voter pour lui au premier tour de scrutin. C’est une marque d’estime, un témoignage d’honneur qui peut préparer une candidature ultérieure, mais qui n’a pas d’autre portée que celle d’un compliment ; aux épreuves suivantes, ces votes de prédilection se portent sur quelqu’un des candidats plus en vue et contribuent à former une majorité. Cette fois, la majorité absolue semblait assurée au général Grant, quand même les voix acquises à ses cinq compétiteurs se réuniraient sur un seul d’entre eux ; seulement, parmi les voix que l’on considérait comme acquises au général, il en était un certain nombre qui ne lui étaient pas données de bon gré. Les assemblées préparatoires de quelques états importans, tels que la Pensylvanie