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eu à s’occuper d’Asopichos d’Orchomène ni d’Ergotèle d’Himère, il n’en est pas de même d’Hiéron, le puissant prince de Syracuse, dont les victoires et le règne prêtaient suffisamment au panégyrique. Si donc l’éloge d’Hiéron, dans les odes composées en son honneur, ne tient guère plus de place que celui de vainqueurs moins illustres, et si les développemens y sont réservés pour les sujets mythiques, comme la punition du monstre Typhée, enseveli sous l’Etna, ou la naissance d’Esculape ou celle de Pélops et sa victoire sur Œnomaüs, c’est sans doute que Pindare avait une autre raison que la pauvreté de la matière. Cette raison a été en partie donnée dans les observations générales qu’on a pu lire plus haut : c’est que la vraie matière est fournie au poète, comme à la fête où il chante, par la mythologie. La mythologie est là chez elle ; l’esprit des Grecs qui écoutent n’attend et ne conçoit pas autre chose, et rien n’est plus impropre que le mot de digression. On peut dire d’une manière générale que la mythologie est plus à sa place que partout ailleurs dans ce monde merveilleux créé par le poète, dans cette lumière et cette musique, dans cette rapide succession d’impressions vives qui donne l’idée d’une vie plus intense et plus noble que la vie réelle. J’ai brièvement expliqué aussi comment la variété chez Pindare et ses rapides évolutions répondaient de même au caractère de la fête et aux dispositions des auditeurs. Ces points peuvent être considérés comme hors de doute, et la difficulté est ailleurs.

Il ne suffit pas, en effet, de reconnaître que l’emploi de la mythologie était obligatoire pour le poète et qu’une brillante et rapide variété lui était dictée par une convenance générale. Dans chacune des odes, quelle pensée a déterminé le choix, la proportion, l’ordre de ces élémens divers, mythologiques ou autres, qu’il a mis en œuvre ? Et d’abord, cette pensée existe-t-elle, ou ne s’est-il pas tout simplement abandonné à son caprice ou au hasard de l’exécution, comme on le lui reprochait autrefois en France ? Non ; il a un dessein, il suit un plan, il en témoigne lui-même plus d’une fois, et cette question n’en est plus une aujourd’hui pour la critique. Mais alors, quel est ce plan, comment est-il suivi, et en quoi consiste dans chaque pièce l’unité, sans laquelle il n’y a pas de composition ? C’est ici que commencent les difficultés.

On voit bien dans plus d’une pièce quel est le rapport général d’un mythe avec le sujet. Ainsi, dans la ire Olympique, le mythe de Pélops, héros éponyme du Péloponèse, honoré à Olympie en souvenir de sa victoire sur Œnomaüs, roi de Pise, pouvait convenir à l’éloge d’un vainqueur olympique, dont la patrie, Syracuse, était une colonie du Péloponèse. De même dans la seconde, composée en l’honneur de Théron, on comprend que le