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de services de navigation et ouvrir de nouveaux débouchés au commerce. Comme les forces des deux partis se balançaient dans les deux chambres, toute la session de 1880 fut consumée en luttes stériles sur les questions qui avaient déjà rempli les deux sessions précédentes; aucun parti ne parvenait à faire prévaloir ses vues. Les démocrates firent échouer l’une après l’autre toutes les propositions du président et de son ministre des finances en vue de préparer une nouvelle opération de conversion, de restreindre le monnayage de l’argent et de reprendre le retrait graduel des assignats. Les républicains, à leur tour, firent avorter les propositions qui avaient pour objet de remplacer par des assignats les billets émis par les banques nationales, de rembourser en assignats les rentes à échoir en 1881, et enfin de rétablir le cours forcé. Les discussions relatives au tarif n’aboutirent pas davantage. Enfin la ténacité du président et du sénat mit obstacle à ce que le budget subît des modifications trop profondes. La session se traîna ainsi en débats stériles, jusqu’à ce que les deux partis éprouvèrent un égal besoin d’y mettre un terme pour pouvoir consacrer tous leurs efforts et toute leur énergie à la campagne électorale, dont l’attente enlevait tout intérêt aux travaux du congrès.

Quels candidats allaient être mis en présence? Il semblait que ce fût pour le parti démocratique une obligation morale que de porter de nouveau M. Tilden, victime d’une si criante iniquité. Où trouver d’ailleurs un meilleur candidat? On ne pouvait songer à porter un homme du Sud : M. Hendricks, de l’Indiana, s’était trop compromis avec les inflationnistes pour qu’on pût espérer de le faire accepter par les démocrates de New-York. M. Tilden ne donnait prise à aucune objection de la part du Nord, et il avait été déjà accepté par le Sud tout entier. La désignation de M. Tilden semblait donc certaine. Du côté des républicains, le choix paraissait plus difficile à faire. Malgré son échec de 1876, M. Blaine, du Maine, n’avait point abdiqué ses prétentions. Il demeurait le candidat préféré des républicains intransigeans et surtout des républicains du Sud, dans l’intérêt desquels il avait combattu avec acharnement la politique conciliatrice de M. Hayes. En revanche, cette opposition lui avait aliéné les sympathies des républicains modérés, et sa nomination aurait paru le présage d’un retour à la politique de compression et de violence. Il était donc à craindre que sa candidature ne fût accueillie avec défiance par les grands états du Centre. Le ministre des finances, M. Sherman, avait annoncé de bonne heure l’intention de se mettre sur les rangs : il comptait manifestement sur l’influence que pourrait exercer en sa faveur l’armée des fonctionnaires fédéraux et sur l’amitié et le concours