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ne laissaient aucun doute sur les intentions et les espérances du parti républicain. C’était évidemment sur les résultats de la politique financière des trois années précédentes que ce parti comptait pour assurer, en 1880, le succès de son candidat à la présidence. Il était difficile que la lutte s’engageât sur un autre terrain. Le rétablissement de la tranquillité à Cuba avait mis fin à toute difficulté avec l’Espagne : le Mexique réprimait efficacement les incursions de ses maraudeurs dans le Texas; un arbitrage avait réglé le différend relatif aux pêcheries du Canada : il n’existait donc aucune question extérieure dont les partis pussent s’emparer. Les états du Sud avaient recouvré leur autonomie dans toute sa plénitude et n’avaient plus de griefs à faire valoir contre l’ingérence de l’administration fédérale dans leurs affaires : lorsque la fièvre jaune avait désolé la vallée du Mississipi, ils avaient trouvé sympathie et secours parmi les populations du Nord. La surveillance exercée sur les services publics avait coupé court à toute malversation : il n’était plus possible de se faire contre le parti au pouvoir une arme des fautes de l’administration. Les questions financières demeuraient donc les seules sur lesquelles un désaccord profond séparât les deux partis. Les démocrates avaient rétabli leur prépondérance dans tous les états du Sud sans exception : ils s’y étaient rendus absolument maîtres des élections par des moyens qui n’étaient pas toujours avouables, mais dont l’exemple leur avait été donné par les républicains au temps de la domination des carpet-baggers. Les états du Sud ne comptaient, à eux tous, que 138 voix dans le collège des électeurs présidentiels, où la majorité absolue est de 185 voix ; il était par conséquent impossible d’emporter l’élection du président sans le concours de quelques-uns des états de l’Ouest ou du Centre. Or les démocrates venaient de perdre la majorité dans l’Ohio et dans la Pensylvanie. L’alliance des inflationnistes de l’Ouest devait donc plus que jamais leur paraître indispensable, et ils se décidèrent à faire cause commune avec eux pendant toute la session de 1880. Ils étaient convaincus qu’ils s’assureraient les sympathies de New-York en poursuivant leur campagne en faveur d’une réforme du tarif des douanes, et ils n’avaient pas à appréhender, en persévérant dans cette voie, de heurter les opinions de l’Ouest, qui étant exclusivement agricole, est désintéressé dans la question de protection. L’établissement d’un tarif combiné exclusivement en vue de procurer un revenu à l’état devint un des articles du programme des démocrates. Ils y joignirent la diminution des dépenses publiques; mais, par ces mots, ils entendaient la réduction de l’armée et de la flotte, la mutilation de certains services, le refus des subventions proposées pour aider à l’établissement