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en sont méprisés. Quels que soient les préjugés qui ont cours dans cette société semi-officielle, ils servent de règle, de credo, de religion au gouvernement local, dont elle adopte par un juste retour toutes les opinions ; car elle brille d’un éclat emprunté, et elle ne serait plus la société, si elle perdait son caractère officiel. Il est bien rare qu’une colonie réussisse à s’émanciper de cette clique qui pèse sur elle comme un cauchemar, qu’un gouverneur parvienne à s’affranchir de ses funestes influences. Mais si les subalternes employés par l’office des colonies lui représentent les colons anglais sous un faux jour, combien plus fausses et plus difficiles à contrôler sont les idées qu’ils lui donnent touchant les populations sujettes et les tribus avoisinantes ! Chaque jour le gouvernement anglais est requis par ses satrapes d’endosser la responsabilité de quelque agression de haute main, d’approuver la saisie d’un nouveau territoire ou de pressurer quelque peuple indépendant, et le proconsul justifie sa requête en alléguant les opinions préconçues de sa clique, de ses entours et de la société. » Que d’heureux ne font pas les annexions ! Elles procurent aux fournisseurs de l’ouvrage et du profit, elles réjouissent les généraux qui aiment à se battre, les capitaines qui cherchent de l’avancement, les politiciens qui ont le goût de faire parler d’eux ; elles promettent des places aux affamés qui les quémandent et à tous ceux qui ont un frère cadet ou un fils à pourvoir. Mais tout cela coûte fort cher, et les gouvernemens ainsi que le commun des mortels ont souvent plus à se plaindre de leurs amis que de leurs ennemis. Ou avait persuadé à l’Angleterre que les Boers goûteraient sa domination, et quand ils se sont soulevés, on lui a affirmé que ces couards ne sauraient ni ne voudraient se battre sérieusement. Aujourd’hui, comme le disait le Times, il n’est personne qui ne rende justice à leur bravoure personnelle, à leur entente de la guerre et à la fatale justesse de leur tir.

Le gouvernement britannique a pris une détermination qui l’honore, il vient de donner un noble exemple à tous les faiseurs d’annexions ; en vérité nous en connaissons qui ne l’imiteront pas. Le cabinet libéral et M. Gladstone, quoiqu’il dût leur en coûter de laisser les armes anglaises sous le coup d’une défaite, ont résolu de réparer l’injustice commise et de composer avec les Boers. En réglant les clauses de cette transaction, ils avaient à concilier la générosité avec la politique et à tenir compte de la dignité de l’Angleterre aussi bien que de ses intérêts. Il a été stipulé que les insurgés licencieraient leur armée, que les garnisons anglaises occuperaient les forts jusqu’à la conclusion définitive de l’arrangement projeté, que le Transvaal reconnaîtrait la suzeraineté de la reine Victoria, qu’il y aurait un résident anglais à poste fixe dans la capitale future du pays, moyennant quoi une entière autonomie et le droit de se gouverner comme il leur plaira seront assurés aux Boers. Les Anglais ont applaudi à cette solution, hormis quelques tories