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LES BOERS
ET
LA POLITIQUE ANGLAISE

La sinistre tragédie dont Saint-Pétersbourg a été le théâtre a fait oublier un peu les combattans du mont Majuba et le drame qui s’est passé tout récemment dans l’Afrique australe, dans le voisinage du tropique du Capricorne, en pleine Cafrerie. Un petit peuple dans les veines duquel coule du sang hollandais mêlé d’un peu de sang de huguenots français, et qui possède vingt mille fermes éparses dans un territoire plus grand que la France, se gouvernait en république au milieu des Bechouanas, des Bassoutos, des Amasuazis et des Zulus. En 1852, l’Angleterre avait solennellement reconnu son indépendance ; sous des prétextes plus ou moins spécieux elle se l’est annexé en 1877. Les Boers en ont appelé, ils n’ont pas craint de jeter le gant à leurs maîtres, et les glorieux combats par lesquels s’est signalée leur résistance ont ému l’Europe. Non-seulement en Hollande, dans leur mère patrie, mais à Paris et ailleurs ont été signées des adresses pour recommander au gouvernement anglais de ne pas abuser de sa force, de faire justice à ces petits qui réclamaient leur liberté confisquée et leurs droits méconnus. Parmi les hommes d’état qui sont aujourd’hui au pouvoir en Angleterre, plusieurs avaient protesté jadis contre l’annexion de la république du Transvaal. Ils s’en sont souvenus. Ils ont proposé aux Boers les conditions d’une paix équitable, et les Boers ont été, paraît-il, assez sages pour les accepter. Quand on a du sang hollandais dans les veines, il en coûte peu d’être raisonnable, et la raison consiste à ne pas trop chicaner sur les incidens, pourvu qu’on gagne le principal.

La révolte des Boers a été une surprise pour l’Angleterre. Jusqu’aujourd’hui les Boers ne se révoltaient pas. Quand ils n’étaient pas contens, ils s’en allaient, ce qui s’appelle trekken dans leur langue, et