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quand les affaires étaient finies, pour venir le reprendre le lendemain et recommencer ainsi jusqu’à l’élection. Ces fonctions ne laissaient pas que d’être fort pénibles à la longue; aussi ne les imposait-on qu’à ceux à qui l’on avait rendu de grands services et qui ne possédaient pas d’autre moyen de le reconnaître. Quintus veut qu’on exige d’eux qu’ils viennent tous les jours, ou, s’ils sont empêchés, qu’ils envoient quelqu’un à leur place. Dans un pays où l’on mesure l’importance des gens au nombre de ceux qui les suivent, il est indispensable qu’un candidat, qui veut donner une bonne opinion de lui, traîne toujours la foule sur ses pas.

On arrive ainsi aux derniers jours, et l’élection approche. Voilà plus d’un an que le candidat s’agite, qu’il noue mille intrigues, qu’il serre la main des électeurs, qu’il promène son cortège d’amis et de partisans à travers les rues et les places, et pourtant sa candidature n’est pas encore légalement déclarée. Tout ce qu’il a fait jusqu’ici, tout ce que nous venons de raconter, ce n’est pas la loi qui le lui impose, c’est l’usage, mais un usage impérieux qu’on n’aurait pu braver sans péril. La loi était moins exigeante. Ce qu’on appelait legitimi dies, la période électorale, comme on dirait aujourd’hui, ne commençait que trois semaines avant le vote[1] ; mais on peut dire que, lorsqu’elle s’ouvrait, l’élection était déjà faite. À ce moment, un édit de l’autorité annonçait le jour des comices. Le candidat allait alors faire sa déclaration au consul, et si le consul trouvait qu’il remplissait toutes les conditions exigées, il l’inscrivait sur la liste. Puis, pendant les trois derniers jours de marché, il allait se placer sur un endroit élevé, d’où tout le monde pouvait le voir. Il portait la fameuse robe blanche (toga candida), d’où lui venait son nom (candidatus), et qu’il avait soin de faire blanchir avec de la craie, afin qu’elle fût plus éclatante et attirât davantage les yeux sur lui. Quoiqu’il se fût beaucoup montré depuis un an, tout le monde ne le connaissait pas encore, et, dans ces trois derniers jours, il arrivait des endroits éloignés beaucoup de paysans qui ne l’avaient jamais vu. Il lui fallait donc se remettre en frais de coquetterie pour ces nouveaux venus; il distribuait ses dernières poignées de mains, prodiguait ses derniers sourires, et, cet effort suprême accompli, il ne lui restait plus qu’à attendre le sort de l’élection.


III.

L’élection des consuls se faisait d’ordinaire au mois de juillet ; ils avaient ensuite près de six mois à attendre avant d’entrer en

  1. Ou plutôt l’espace de trois nundines (trinundinum),ce qui ne fait pas tout à fait trois semaines. Les nundines, ou jours de marché, revenaient tous les huit jours. Entre trois nundines, il ne s’écoulait en réalité que dix-sept jours. C’était la véritable durée de la période électorale.