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6 pence. Le salaire sera alors de 2 shillings en Angleterre et de 7 pence aux Indes, ce qui équivaut à une augmentation de 33 pour 100 ici et de 600 pour 100 là-bas. Le changement sera donc infiniment moins grand en Angleterre qu’aux Indes; car l’entrepreneur anglais aura encore trois ouvriers avec la somme qui lui permettait d’en rétribuer quatre, tandis que l’Hindou n’en aura plus qu’un avec les 7 pence qui lui en auraient assuré sept au prix ancien. Cette remarque explique en partie comment l’afflux de métaux précieux qui a suivi 1850 a eu un effet bien différent de celui qui a suivi la découverte de l’Amérique. De nos jours, l’augmentation des prix a été moins sensible dans les grands centres que dans des localités plus écartées. MM. Jevons et Soetbeer estiment que, de 1850 à 1870, la hausse à Londres et à Hambourg a pu être de 20 à 25 pour 100. M. Leslie extrait des rapports des consuls anglais la preuve que, dans beaucoup de villes, elle a été de plus de 100 à 300 pour 100. Voici pour Bilbao quelques chiffres comparés aux deux dates de 1854 et 1864. La livre de mouton s’est élevée de 2 pence 1/4 à 8 pence 1/2, le beurre de 5 à 15 pence, le pain de 1 à 2 pence. A Riga, le consul anglais, en 1855, dit que le prix des denrées a doublé depuis dix ans et que celui de la main-d’œuvre a augmenté dans la même proportion. Le même phénomène s’est produit dans l’Inde. Il prouve que l’afflux des métaux précieux, après 1850, s’est répandu et a agi dans le monde entier d’une façon beaucoup plus égale qu’au XVIe siècle, et on en voit aisément la raison : ce sont les voies de communication améliorées, — chemins de fer et bateaux à vapeur, — et le commerce tout autrement actif qui les ont distribués partout, et qui les ont fait pénétrer précisément là où le bon marché attirait l’acheteur.

De nouveaux emplois se sont aussi ouverts de toutes parts et ont empêché que leur surabondance n’amenât une très grande dépréciation. Ainsi, en Russie, par suite de l’émancipation des serfs, les corvées ont été remplacées par le paiement de salaires. Dans beaucoup de pays, les prestations en argent succèdent aux prestations en nature. En 1865, le gouverneur de Bombay dit dans son rapport[1] : « Des quantités considérables d’argent sont absorbées dans l’Inde par une circulation monétaire qui n’existait pas auparavant. Dans des milliers de bazars, on voit apparaître des roupies qui font renoncer à l’usage du troc, général autrefois... En partie par suite de la substitution des formes européennes de gouvernement aux formes indigènes, en partie à cause de l’emploi plus général de la monnaie, mais principalement à cause de l’accroissement

  1. Papers relating to a gold currency in India, p. 6, 9 et 89.