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rapprocher plusieurs morceaux et reconstituer ainsi des épisodes complets ; mais on ne sait pas quel était l’ordre des scènes et leur place sur le monument, sauf pour les parties de la frise entamées par l’escalier. Souvent aussi il est difficile de reconnaître les dieux qui y sont représentés, les attributs n’étant pas toujours distincts. Dans l’antiquité, pour éviter toute confusion, on avait écrit le nom de chaque dieu auprès de son image, de même que sur les vitraux et les bas-reliefs des églises on grave le nom des saints qui y figurent. Les noms des dieux étaient inscrits sur une large moulure au-dessus de la frise, ceux des géans sur la moulure inférieure. Mais ces moulures ne faisant pas corps avec la frise, il n’a pas été possible de rapprocher souvent les inscriptions des personnages à qui elles se rapportaient. Un examen attentif des bas-reliefs a permis de reconnaître qu’ils portaient, en outre, la signature des sculpteurs : les traces en sont malheureusement illisibles ou tronquées, au point que l’on n’a pu faire jusqu’ici aucun rapprochement avec les noms d’artistes de Pergame qui sont parvenus jusqu’à nous.

Le groupe le plus remarquable par sa conservation est celui au centre duquel figure Hécate, triple et mystérieuse divinité qu’on disait de la famille des Titans, mais qui avait obtenu en s’alliant avec les dieux de survivre à l’anéantissement de sa race. Elle est vue de dos et les trois corps sous lesquels on la représentait se couvrent de telle sorte que le premier cache les deux autres, sauf les bras et les têtes. On aperçoit, en effet, le visage du second et la nuque du troisième. Quant aux bras, ceux de gauche sont dissimulés derrière un bouclier et ceux de droite brandissent chacun une arme différente, une torche, une épée et une sorte de lance d’une forme bizarre. Contre la déesse, à sa gauche, lutte un géant qui, renversé, cherche à se protéger en élevant avec les deux mains un énorme bloc de pierre. Un chien furieux vient le mordre à la cuisse. A droite d’Hécate, lui tournant le dos, un jeune et beau guerrier, le casque en tête et portant le bouclier, semble marcher au combat contre Diane, qui, posée en face de lui, se prépare à décocher une flèche. Ce fier combattant, dont a voulu faire un jeune Titan, paraît trop beau pour n’être pas un allié des dieux. L’ennemi d’ailleurs n’est pas loin ; entre Diane et le jeune homme, un vieux géant blessé mord la poussière. A demi renversé, il est saisi à la nuque par un molosse de Diane, et avec une expression poignante, il cherche à repousser le farouche animal avec le bras droit, tandis que sa main gauche repose inerte sur le sol, marquant que les forces l’abandonnent. Et pendant qu’il meurt, les serpens qui font corps avec lui continuent la lutte, et l’un d’eux va mordre le bouclier d’Hécate,