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quand elle fait des règlemens sans les soumettre à la sanction des électeurs, quand elle empêche les citoyens de s’assembler où bon leur semble, quand elle trouble les clubs en plein vent du Palais-Royal : « Le patrouillotisme en chasse le patriotisme, » et le maire Bailly « qui se donne une livrée, qui s’applique 110,000 livres de traitement, » qui distribue des brevets de capitaine, qui impose aux colporteurs l’obligation d’avoir une plaque et aux journaux l’obligation de porter une signature, est, non-seulement un tyran, mais un concussionnaire, un voleur et un « criminel de lèse-nation. » — Des usurpations pires sont commises par l’assemblée nationale. Prêter serment à la constitution, comme elle vient de le faire, nous imposer son œuvre, nous la faire jurer, sans tenir compte de notre droit supérieur, sans réserver notre ratification expresse[1], c’est « méconnaître notre souveraineté, » c’est « se jouer de la majesté nationale, » c’est substituer à la volonté du peuple la volonté de douze cents personnes : « nos représentans nous ont manqué de respect. » Ce n’est pas la première fois, et ce ne sera pas la dernière. En mainte occasion ils ont excédé leur mandat; ils désarment, bâillonnent ou mutilent leur souverain légitime; ils font, au nom du peuple, des décrets contre le peuple. Telle est leur loi martiale, imaginée pour « étouffer l’insurrection des citoyens, » c’est-à-dire la seule ressource qui nous reste contre les conspirateurs, les accapareurs et les traîtres. Tel est le décret qui interdit toute affiche ou pétition collective, « décret nul et de toute nullité, » et « qui constitue le plus affreux attentat aux droits de la nation[2]. » Telle est surtout la loi électorale, qui, exigeant des électeurs un petit cens et des éligibles un cens plus fort, « consacre l’aristocratie des riches. » Les pauvres, exclus par le décret, doivent le considérer comme non avenu, se faire inscrire d’autorité et voter sans scrupule; car le droit naturel prime le droit écrit, et les millions de citoyens qu’on vient de dépouiller injustement de leur vote n’auraient exercé que de justes a représailles, » si, au sortir de la séance, ils avaient pris au collet les chefs de la majorité usurpatrice en leur disant : « Vous venez de nous retrancher de la société parce que vous étiez les plus forts dans la salle; nous vous retranchons à votre tour du nombre des vivans, parce que

  1. Buchez et Roux, IV, 458 (séance du 24 février 1790, article de Loustalot). — Ib., III, 202. Discours de Robespierre, séance du 21 octobre 1789. — Ib., 219. Arrêté du district Saint-Martin, décidant que la loi martiale ne sera pas exécutée. — Ib, 222 (article de Loustalot).
  2. Ib., X, 124, article de Marat. — X, 1. — 22. Discours de Robespierre, séance du 9 mai 1791. — III, 247, article de Loustalot. —Ib., 217. Discours de Robespierre, séance du 22 octobre 1789. —Ib., 431, articles de Loustalot et de Desmoulins, novembre 1789. — VI, 336, articles de Loustalot et de Marat, juillet 1790.