qu’il faut lui conserver : il l’appelait «le Petit Manuel du candidat, Commentariolum petitionis. »
On ne peut se défendre, en lisant ce livre, d’éprouver d’abord un sentiment d’effroi. Les recommandations y sont si minutieuses et si multipliées, il exige des candidats tant de sacrifices, il leur impose tant de démarches pénibles, il les condamne à tant de corvées insupportables qu’on se demande comment il n’a pas découragé les gens d’être ambitieux. Voilà donc ce qu’il fallait souffrir ou faire quand on voulait devenir consul ! Est-il possible qu’il se soit trouvé tant de personnes pour courir au-devant de toutes ces misères? Comment pouvait-on, dans l’espoir d’honneurs douteux, renoncer de gaîté de cœur à des biens certains, à la tranquillité, au repos, aux plaisirs de l’intimité, aux agrémens de la vie ! Il faut vraiment que le pouvoir ait un bien grand charme pour qu’on puisse consentir à le payer de ce prix. D’ordinaire nous sommes tentés de reprocher durement à Atticus l’obstination qu’il a mise à se tenir loin des fonctions publiques. J’avoue qu’après avoir lu le Manuel du candidat, je lui deviens moins sévère. Je comprends qu’il ait reculé devant des honneurs qui coûtaient si cher, qu’au moment de mettre cette robe blanche, qui allait l’exposer à tant de fatigues et d’ennuis, le cœur lui ait manqué, et qu’au lieu de se diriger vers le champ de Mars, il se soit tenu enfermé dans sa belle maison du Quirinal, ou même qu’il ait fui jusque dans sa villa d’Épire.
Et comptez bien que la candidature ne commence pas seulement le jour où l’on revêt la robe blanche et où l’on descend au champ de Mars. Il faut la préparer longtemps à l’avance; c’est l’affaire de toute une vie, et si l’on cesse un moment d’y, travailler, on a beaucoup de chances de ne jamais réussir. On y songe dès le premier jour où l’on entre dans les fonctions publiques. Un jeune homme qui, après avoir achevé le temps de son service militaire et plaidé quelques causes au forum, vient d’être nommé questeur, n’est pas grand’ chose encore, — à peine un peu plus que rien, dit Cicéron; et déjà il a les yeux sur le consulat et cherche à prendre la route qui pourra l’y conduire. Il y a, comme. on le pense bien, plusieurs chemins pour y arriver, et chacun choisit celui qui lui convient le mieux. Le plus grand nombre s’en va servir dans les armées et administrer les provinces, pensant y trouver à la fois la renommée et la fortune. Cicéron avait d’abord fait comme eux; mais une petite mésaventure qui lui arriva, et qu’il a racontée d’une façon charmante, lui fit comprendre que les bruits du dehors ne parvenaient guère à Rome et qu’on risque fort d’y être oublié quand on s’en éloigne. Il avait été remplir la charge de questeur à