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comme préfet politique notre ennemi, le vieux Carlos Llorente. A Matamoros, d’où l’Adonis venait de ramener quelques débris de la troupe du général Olvera, le gérant de notre consulat, M. Hartemberg, et quelques Français, la tranquillité régnait tout au profit des libéraux, qui s’approvisionnaient par le Texas de tout ce dont ils avaient besoin. De même que les confédérés recevaient autrefois par le Mexique ce qui leur était nécessaire sans que les fédéraux pussent s’y opposer, de même les libéraux tiraient des États-Unis par cette frontière tout ce qu’ils voulaient sans qu’il nous fût permis d’y mettre obstacle.

Comme on ne renonce qu’à la dernière extrémité à un pouvoir longtemps exercé, nous avions songé à bloquer les différens ports qui venaient de nous échapper, mais cela ne se pouvait faire sans une notification de blocus et surtout sans des forces effectives qui nous manquaient. Si le blocus d’Alvarado, où se trouvait une canonnière, était facile, celui de Tampico était presque impossible à garder à cause du mouillage. Le vent du nord forçait le bâtiment à partir. Une fois le bloqueur hors de vue, le blocus était levé, et il y eût toujours eu dans la rivière de Tampico quelque bâtiment étranger pour constater le fait. Nous avions agi ainsi sur la côte d’Amérique pendant la guerre de la sécession, et il était trop juste que les Américains nous rendissent la pareille. Le blocus levé de fait, il eût fallu le notifier de nouveau. Enfin, le mouillage, en cas de mauvais temps, étant à 20 lieues de Tampico, on ne pouvait songer à faire admettre un blocus à cette distance. Il y avait aussi, ce qui était fort délicat à remplir, l’en-tête de la déclaration de blocus : « Vu l’état de guerre entre la France et (?) » Ce point d’interrogation était toute une question politique soulevée, car on ne pouvait être en guerre, même fictivement, avec le Mexique, au moment où cette question du Mexique allait avoir une fin. Ces considérations firent abandonner toute idée de représailles par voie de blocus.

Dès lors, les bâtimens n’avaient plus qu’à se concentrer à Vera-Cruz en attendant que les événemens décidassent du rôle qu’ils auraient à jouer. Au commencement de novembre 1866, le Magellan, le Phlégéthon, l’Adonis, le Brandon, la Pique, la Diligente et la Tactique avaient rallié à Vera-Cruz le guidon du commandant Cloué. On démolissait la Tempête, qui finissait sa laborieuse carrière par une épidémie. Six hommes et un de ses officiers, le second du bord, mouraient de la fièvre jaune. La Tourmente quittait la Frontera qu’on laissait à son libre arbitre, et le Tartare, ayant d’assez graves avaries de machines à réparer, restait seul à, Carmen, où il avait remplacé le Brandon.