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quelque boulet dans leur coque. Ce qui se passait aux environs de Vera-Cruz et à Vera-Cruz même est à peine croyable. Le 5 juillet, des prisonniers de guerre employés au nettoyage de la ville se révoltaient. Un d’eux était tué par un Égyptien, et l’ordre se rétablissait. Mais c’était une manœuvre convenue avec les dissidens qui se tenaient aux alentours de la ville, afin qu’on leur livrât une des portes par où ils auraient pénétré pour s’emparer des autorités et piller en même temps les caisses de certaines maisons de commerce mal notées par eux. L’ennemi explorait la campagne par bandes de cinquante à soixante hommes et s’avançait la nuit jusqu’aux murailles de la ville, très faciles à escalader. Une de ces bandes avait même campé au cimetière pendant quinze heures. Le capitaine Morisson, commandant supérieur à Vera-Cruz, avait dû demander quelques hommes au commandant Cloué pour maintenir la ville, où régnait une grande fermentation, la plus grande partie de la population nous étant opposée. Le commandant lui avait envoyé un peloton de marins créoles et une pièce de 4 rayée. En dehors de ce détachement, la garnison de Vera-Cruz ne se composait plus que de quarante hommes de la compagnie indigène du génie de la Martinique et de cent vingt-cinq Égyptiens, en tout cent soixante-cinq hommes, pour une ville populeuse et toute dévouée à Juarez. Le capitaine Morisson avait télégraphié à Orizaba, où résidait le lieutenant-colonel Roland, commandant des terres chaudes, pour lui demander du monde. Cet officier supérieur avait simplement répondu qu’il n’avait personne. Il pouvait en résulter que les communications de Vera-Cruz avec l’intérieur fussent bientôt coupées. En effet, le 8 juillet, le village de la Purga était attaqué, ce qui avait retarde le train de Mexico. Quoique l’ennemi eût été repoussé, il fallait s’attendre, et sur une plus grande échelle, au renouvellement de ces tentatives. De plus, on était forcé d’employer désormais quarante Égyptiens pour la sécurité des trains, vingt au train montant et vingt au train descendant. Il devenait de la dernière urgence d’obtenir du maréchal une troupe, quelle qu’elle fût et quelque danger que pût courir sa santé, pour garder Vera-Cruz.

Ce fut à ce moment que l’impératrice Charlotte partit pour l’Europe. Elle allait, disait-on, y rétablir sa santé chancelante, mais, en réalité, y chercher des secours pour Maximilien. Il y a des événemens qui résument une situation sous une forme sensible. Tel fut ce départ dans sa tristesse et son abandon. L’impératrice avait fait tout ce que peut faire une femme avec l’insinuante énergie de ses conseils, le charme de son esprit, la décision de son caractère. Elle ne partait que pour lutter de nouveau sur un autre terrain et prête à revenir dès que sa tâche, qu’elle y eût réussi ou non, serait terminée. Le 15 juillet, le commandant Cloué l’attendait à Vera-Cruz,