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comme chef du gouvernement mexicain ; mais que nous ne pouvions nous désintéresser ainsi de la question, car ce serait autoriser le gouvernement de Washington à attaquer le gouvernement de Maximilien, et nous ne pourrions rester en dehors du conflit ; qu’il fallait donc jusqu’au bout rester intermédiaires officieux également acceptés à Mexico et à Washington. Le ministre ajoutait en conclusion optimiste qu’il était d’ailleurs permis d’espérer que les incidens motivant les plaintes des États-Unis tenaient à des circonstances d’un état provisoire qui ne se renouvelleraient pas. Plus tard, en réponse à la correspondance Cloué-Weitzel, le ministre des affaires étrangères reconnaissait encore que la modération et le respect des lois internationales avaient été du côté du commandant Cloué, et c’était dans ce sens qu’il s’en était expliqué avec le ministre des États-Unis, chargé de se plaindre auprès de lui de l’attitude de nos autorités militaires sur le Rio-Grande. Il lui paraissait essentiel toutefois, pour prévenir le retour d’incidens semblables, que nos autorités s’abstinssent, autant que possible, d’entrer en rapports directs avec les autorités fédérales du Texas, dont nous ne saurions nous dissimuler le mauvais vouloir et l’hostilité politique. Des explications échangées de cabinet, à cabinet sur les incidens qui se produiraient encore s’inspireraient toujours de plus de calme et de prudence qu’il n’était possible d’en attendre de ceux qui s’y trouvaient personnellement engagés. Ces lettres modérées eussent calmé, en lui donnant à réfléchir et pour peu qu’il n’eût pas abdiqué toute prudence, le plus fougueux adversaire des États-Unis. Empreintes de cette sérénité de ton, de cette élévation dans la forme et de cette sagesse digne et conciliante qui semblait moins se plier aux circonstances qu’elle ne les dirigeait, ces dépêches prouvaient assez que le débat entre les Américains et nous allait se vider à Paris s’il n’était déjà en voie d’apaisement et de compromis. C’est en se conformant à l’esprit de ces dépêches que le commandant envoyait le Tartare prendre la place de la Tisiphone au Rio-Grande, et non en suivant les inspirations alors très emportées du maréchal.

Celui-ci en effet, dans une lettre adressée au général Mejia, ripostait à la prise de Bagdad par un mépris absolu de certaines protestations américaines. Dans les premiers jours de janvier, le général Mejia avait fait prisonniers dix-sept libéraux, qui, pris les armes à la main, devaient d’après la circulaire du maréchal, du 11 octobre précédent, être fusillés. Ils avaient passé devant une cour martiale qui les avait condamnés ; seulement la sentence était allée recevoir sa sanction à Mexico. Aussitôt les Américains s’étaient émus. Le général Weitzel protesta au nom du monde entier civilisé contre un pareil acte de barbarie qui infligerait à jamais au pouvoir