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assisté se figurer la puissance de ces feux souterrains, l’amoncellement de matières qu’ils rejettent au dehors. Un fait seul en donnera une idée. L’île de Havaï compte deux montagnes, toutes deux supérieures en élévation au Mont-Blanc et toutes deux uniquement composées de laves et de scories. Si l’on tient compte qu’elles surgissent, non comme le Mont-Blanc, d’un plateau élevé et du centre d’un continent, mais de l’océan même, et qu’avant d’affleurer au niveau des flots il a fallu combler le fond de la mer, on se fera une idée de la quantité prodigieuse de matière en fusion que représente une pareille masse et de la puissance des forces mises en œuvre pour l’élever à une telle hauteur.

À 800 lieues de distance de l’archipel des Sandwich, les mêmes forces ont fait surgir de l’océan l’île de Tahiti et l’archipel des Marquises. Le terrain, de nature volcanique, est formé de laves poreuses, dont les cavités renferment des cristaux zéolithiques, des conglomérats en couches stratifiées composées de roches et de scories entremêlées de corail. On ne trouve pas trace de cratères récens. Tout semble indiquer que, depuis la dernière convulsion qui a donné naissance au Diadème, montagne basaltique, l’effort volcanique s’est déplacé et, son œuvre terminée, a laissé la nature accomplir la sienne.

Sous l’action combinée du soleil et des pluies, les scories désagrégées, les strates d’argile calcinée délayées par l’eau et entraînées dans les vallées ont formé un sol d’une richesse et d’une fertilité incomparables, envahi par une végétation puissante. Toutefois des siècles ont dû s’écouler avant d’assurer définitivement la conformation actuelle des archipels du Sud. À de longs intervalles, les volcans ont plus d’une fois bouleversé ces îles, incendié ces forêts, dévasté ces plaines, modifié la configuration du sol. Ou retrouve encore dans les débris de lave des branches d’arbre à l’état de charbon, des empreintes de fougères et même de coléoptères.

Quels furent les premiers habitans de ces archipels ? S’il est vrai, comme l’affirment quelques savans, que l’existence de l’homme se soit manifestée simultanément sur les divers points du globe, cette manifestation n’a pu se produire que sur ceux de ces points où se trouvait un sol définitivement assis et réunissant les conditions nécessaires au maintien et à la continuation de l’espèce. Or nous avons constaté que, dans le Pacifique, ce sol est encore, en partie du moins, en voie de formation, et que les archipels sont comparativement de date récente. La conclusion qui s’impose est qu’ils ont dû être peuplés tardivement et par voie d’immigration.

À quelle race appartenaient les premiers occupans ? On l’ignore, et les traditions de leurs successeurs ne nous apportent à ce sujet que des données confuses au début, et qui deviennent plus obscures